La femtech, la technologie féminine, connaît un véritable essor. Pour autant, les personnes à l’origine de ces innovations destinées à améliorer la santé des femmes ne sont elles-mêmes des femmes. Avant de mettre un produit sur le marché, il faut trouver des investisseurs pour pouvoir financer, entre autres, sa conception, sa fabrication et sa distribution.
C’est là où le bât blesse. Selon une étude relayée par The Guardian, et réalisée par Ludovica Castiglia, chercheuse travaillant en partenariat avec FemHealth Insights, une société de conseil spécialisée dans la santé des femmes et les femtechs basée en Caroline du Nord, les technologies de santé conçues pour cibler un large éventail de problèmes féminins ont moins de chances d’obtenir un financement si une femme fait partie de l’équipe fondatrice.
Les « plaidoyers » mal vus
Par ailleurs, les fondatrices de produits femtech ont également moins de chances d’obtenir un financement si elles utilisent des termes qui sonnent comme un « plaidoyer » dans leurs demandes de financement, notamment « droits des femmes », « féminisme », « discrimination », « égalité », « inclusion », « prise de contrôle » ou « liberté », selon l’analyse.
À l’inverse, les fondateurs masculins de femtech peuvent bénéficier d’un investissement plus important s’ils utilisent les mêmes termes ou des mots similaires.
« Cela peut être dû au fait que les femmes qui défendent les droits des femmes sont perçues comme étant émotives, bouleversées et en colère, plutôt que comme des hommes d’affaires qui cherchent à maximiser leurs profits », a supposé Ludovica Castiglia. « En revanche, les hommes obtiennent plus de fonds s’ils utilisent les mêmes mots, peut-être parce que les investisseurs y voient un plaidoyer intéressé, et donc une preuve de leur acuité économique ».
Un « élément négatif » pour les investisseurs
« Le message, déprimant, est que même si vous travaillez dans un domaine où 75 % des entreprises sont fondées par des femmes et que vous avez développé un produit destiné spécifiquement aux femmes, le fait d’avoir une femme dans votre équipe fondatrice – même si elle est associée à un homme – réduit vos chances d’obtenir un financement », a analysé Ludovica Castiglia.
« Au lieu de considérer les femmes entrepreneurs dans l’un des secteurs les plus dominés par les femmes dans le monde des start-up comme un élément positif, les investisseurs potentiels les considèrent souvent comme un élément négatif et refusent par conséquent de leur accorder un financement », a-t-elle ajouté.
23 % de capitaux en moins
L’étude de Castiglia révèle que depuis 2010, les entreprises femtech fondées par des femmes au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada ont levé en moyenne 23 % de capitaux en moins pour chaque opération par rapport à des entreprises similaires fondées par des hommes.
En moyenne, les entreprises femtech exclusivement fondées par des femmes reçoivent 28 % des financements de capital-risque, contre 38 % pour les entreprises femtech entièrement fondées par des hommes. Un peu plus d’un tiers des financements sont allés à des entreprises financées par des équipes mixtes.
Pour trouver ces résultats, Ludovica Castiglia a analysé 1 720 accords de financement conclus par 513 entreprises de technologie féminine financées par le capital-risque au Royaume-Uni, aux États-Unis et au Canada dans le cadre de son étude. Elle a constaté qu’un « nombre choquant » d’entreprises femtech dirigées par des femmes ont reçu moins de financement que des entreprises similaires dirigées par des hommes.