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Celui qui irritait l’intestin et le quotidien : qu’est-ce que le syndrome de l’intestin irritable ?


Comment se fait le diagnostic ? Qu’est-ce qui cause ces dysfonctionnements digestifs ? Quels sont les différents types de prise en charge possible ? Gastro-entérologue au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), Pascal Crenn nous éclaire.

Comment définit-on le syndrome de l’intestin irritable ?

Disons déjà que c’est une pathologie qui a beaucoup changé de nom ces dernières années. Elle s’est d’abord appelée colite spasmodique ­ – un nom assez peu adéquat en réalité ­ – puis troubles fonctionnels intestinaux ou colopathie fonctionnelle. Aujourd’hui, on parle plus volontiers de syndrome de l’intestin irritable.

Pascal Crenn – Gastro-entérologue au sein de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)

Cela se traduit chez les patients par des symptômes centrés autour du tube digestif et de l’abdomen, avec des troubles du transit, en particulier des ballonnements abdominaux, de la constipation, des diarrhées ou une alternance des deux. Il s’agit d’une pathologie chronique, qui provoque souvent des douleurs et peut altérer la qualité de vie de façon importante.

C’est aujourd’hui une maladie relativement fréquente…

En effet, cela représente environ un quart des consultations de gastro-entérologie en France. Si l’on regroupe l’ensemble des troubles fonctionnels digestifs, au delà du syndrome de l’intestin irritable, en incluant le syndrome de l’intestin irritable, on estime que cela pourrait toucher jusqu’à 15, 20 voire 25 % de la population à un moment ou à un autre de la vie. Il est toutefois difficile de savoir si la fréquence de la maladie augmente réellement. C’est une pathologie ancienne, qui ne diminue pas, mais où l’on n’observe pas de flambée manifeste comme par exemple pour les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) ou les cancers digestifs.

Y a-t-il des personnes plus touchées que d’autres ?

Oui, les femmes sont davantage concernées que les hommes, et présentent souvent des formes plus symptomatiques. Concernant l’âge des patients, la maladie se déclare généralement avant 45 ou 50 ans, mais les symptômes peuvent perdurer bien au-delà. Enfin, les personnes atteintes du syndrome de l’intestin irritables présentent parfois également des troubles anxieux ou dépressifs, sans que l’on puisse dire s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence de la maladie.

Comment se fait le diagnostic ?

C’est ce que l’on appelle un diagnostic d’exclusion : dans la mesure où les symptômes peuvent être semblables à d’autres pathologies, on va d’abord chercher à exclure celles-ci. Des analyses de sang ou des prélèvements biologiques ne révélant rien d’anormal permettent d’écarter des maladies inflammatoires comme la maladie de Crohn ou des cancers digestifs, qui sont eux facilement objectivables. Si l’on élimine également d’autres pathologies, comme par exemple la maladie cœliaque (intolérance immunitaire au gluten), alors on s’oriente vers un syndrome de l’intestin irritable. Ajoutons également qu’à ce stade, et sauf antécédent familial ou signes anormaux (sang dans les selles, amaigrissement inexpliqué, anomalies biologiques aux prises de sang…) qui le justifierait, la pratique d’une coloscopie n’apporte rien, tout particulièrement chez les personnes de moins de 45 ans.

Quelles sont les causes de cette maladie ?

On sait depuis longtemps qu’il s’agit d’une hypersensibilité viscérale digestive qui a donc une forte composante neurologique. Pour le dire simplement, il y a des désordres des interactions de l’axe cerveau-intestin, ce qui perturbe le fonctionnement de ce dernier. À cela s’ajoute des réactions anormales du système digestif à certains aliments. Des perturbations existent aussi au niveau du microbiote, sans que l’on sache toujours s’il s’agit d’une cause ou d’une conséquence de la maladie (sauf dans certains cas où la maladie survient après un épisode infectieux de type gastro-entérite, vraisemblablement à l’origine de la pathologie). Enfin, des facteurs psychologiques peuvent également être en cause, on le voit notamment chez des patients anxieux voire dépressifs. Les symptômes s’ag gravent ou s’améliorent d’ailleurs souvent selon l’état psychologique de ces patients.

Comment peut-on prendre en charge ce syndrome ?

On privilégie une approche symptomatique, dans laquelle on s’efforce de soulager les patients selon ce que chacun vit. Il y a schématiquement 3 groupes : ceux qui souffrent de douleurs ou de ballonnements, ceux qui sont davantage sujets à la constipation, et enfin de façon minoritaire ceux chez qui la maladie se manifeste essentiellement par des diarrhées.

Il y a bien sûr des médicaments, notamment les antispasmodiques, les antalgiques, les antidépresseurs, les régulateurs de la motricité digestive… mais c’est loin d’être la seule réponse. Il faut d’abord insister sur l’hydratation, qui peut améliorer considérablement la constipation, en privilégiant si possible les eaux riches en magnésium. L’activité physique, parmi tous ses bienfaits, améliore elle aussi le transit. Du côté de l’alimentation, il faut s’assurer d’avoir un régime suffisamment riche en fibres, avec des fruits et des légumes mais aussi pourquoi pas via avec un complément alimentaire comme le psyllium. On peut également opter pour les probiotiques, qui participent à restaurer le microbiote. Des régimes alimentaires spécifiques ayant pour but de limiter la fermentation lors de la digestion peuvent également aider à réduire les douleurs et les ballonnements, mais ils ne sont pas simples à suivre et il vaut mieux se faire accompagner par un(e) diététicien(ne).

D’autres voies peuvent être explorées, comme ce qui a trait à la prise en charge psychologique, y compris la relaxation, l’hypnose ou les thérapies comportementales. Les kinésithérapeutes proposent aussi parfois des massages abdominaux spécifiques qui aident certaines personnes. Il existe également chez certains spécialistes des techniques de rééducation, notamment au niveau de la constipation, pour réapprendre à écouter les signaux transmis par le corps.

Quelle évolution pour la maladie ?

Il s’agit d’une maladie chronique, qui peut être vécue très difficilement par certains patients, occasionnant des arrêts de travail, un évitement des situations sociales… Certaines personnes basculent aussi avec le temps d’un symptôme à un autre. Toutefois, en suivant cette approche pragmatique qui consiste à chercher pour chacun ce qui peut améliorer ses symptômes, la maladie est généralement moins invalidante et mieux vécue au fil des années.

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