À la clôture de la séance à minuit samedi, il restait encore plus de 1 500 amendements à examiner sur la partie recettes du projet de budget 2025 alors que celle-ci aurait dû en principe faire l’objet d’un vote final mardi. Son examen devrait se prolonger à partir du 5 novembre.
Le calendrier sera débattu, mardi matin, en conférence des présidents, « avec le gouvernement », et « nous pourrons regarder comment tout cela peut s’envisager », a affirmé à la tribune la présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Ce dimanche, le ministre du Budget Laurent Saint-Martin a annoncé sur Radio J que les débats sur le projet de budget 2025 reprendront à partir du 5 novembre à l’Assemblée nationale. « On continuera là où on s’est arrêté hier à partir du 5 novembre », a indiqué le ministre. En même temps, le ministre a appelé à « mettre un peu de rationalité dans les débats » mais il a assuré que le gouvernement voulait « que les débats aient lieu pour respecter le Parlement ».
En six jours, les députés ont « adopté près de 40 milliards d’euros d’impôts supplémentaires » qui s’ajoutent aux « 30 milliards de la copie initiale du gouvernement », a déploré le député macroniste Charles Sitzenstuhl. « Il est vraiment temps que tout ceci s’arrête », a-t-il ajouté, fustigeant un « délire fiscal ».
Prêt à taux zéro, « malus automobile »,…
« La coalition gouvernementale sombre » et « il n’y a même pas de chaloupes pour ceux qui restent. J’ai beaucoup de peine pour notre pays », a lancé le chef de file du RN dans cette bataille budgétaire, Jean-Philippe Tanguy.
Samedi comme les jours précédents, le gouvernement a enchaîné les revers. La gauche a ainsi fait adopter une taxe exceptionnelle de 10 % sur les dividendes distribués par les entreprises du CAC 40. Les députés ont aussi étendu à l’ensemble du territoire les prêts à taux zéro pour l’immobilier, dans le neuf (comme le proposait le gouvernement), mais aussi dans l’ancien.
Ils ont aussi rendu pérenne la contribution exceptionnelle demandée aux entreprises de fret maritime, plafonné à 500 millions d’euros la niche fiscale dont bénéficie ce secteur, approuvé un rétablissement progressif de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), et supprimé l’alourdissement prévu du « malus » pour les voitures essence et diesel.
Des alliances changeantes
Si le Nouveau Front populaire a obtenu seul le rétablissement progressif de la CVAE, c’est une alliance hétéroclite d’élus RN, LR, socialistes et communistes qui a eu raison du malus automobile. Le RN, qui est accusé par le camp macroniste d’avoir une ligne politique erratique sur la fiscalité des entreprises, a mêlé ses voix à la gauche pour plafonner la niche fiscale des armateurs, face aux rangs toujours très clairsemés des forces du « socle commun » censées soutenir le gouvernement.
Autres amendements adoptés, une série d’allégements de TVA pour différents secteurs : associations d’aide alimentaire, transports de voyageurs (sauf l’aérien), entreprises de réparation, nouveaux logements sociaux, ou « premiers kilowatts » de gaz et d’électricité consommés par les ménages.
Des amendements portés par Renaissance et le PS ont réduit à 30 % les abattements fiscaux relatifs aux meublés de tourisme, inscrivant ainsi dans le budget une disposition destinée à mieux réguler le marché des logements type « Airbnb ».
Vendredi déjà, le gouvernement avait subi de nombreuses défaites sur cette partie « recettes » du budget, avec la suppression de la surtaxe temporaire des grandes entreprises dont la gauche avait préalablement augmenté les taux, ou la suppression de la surtaxe sur l’électricité, combattue par ses propres troupes.
Le 49.3 pour faire passer le budget ?
Des députés de l’opposition soupçonnent le camp gouvernemental de pousser à un 49.3 sans permettre au projet de budget de Michel Barnier d’être profondément remanié.
Un soupçon infondé, a assuré dans Le Parisien Aujourd’hui en France, la porte-parole du gouvernement, Maud Bregeon. « On ne cède pas à la facilité du 49.3, le temps du débat est un moment de grande clarification qui permet aussi de bâtir des compromis », a-t-elle affirmé.
Pour Laurent Saint-Martin, ministre du Budget : « On va voir quel sera le vote de l’Assemblée nationale. On verra comment le Sénat en débat également », a-t-il indiqué ce dimanche matin en réponse à une question sur l’utilisation du 49.3. « Il y aura une commission mixte paritaire issue du Sénat, nous verrons bien ce qu’elle décide et quelle est la nature du texte », a-t-il poursuivi.
« Si le texte respecte deux choses : 60 milliards d’euros d’efforts budgétaires pour redresser les comptes et au moins deux tiers par la baisse de la dépense publique, alors je ne vois pas pourquoi nous ne ferions pas confiance au Parlement » en ajoutant : « Si le Parlement ne veut pas rester sur cette règle du jeu que nous avons fixée, alors le gouvernement prendra ses responsabilités ».
D’autres élus se demandent si le gouvernement ne cherche pas plutôt un rejet du texte, comme en commission des Finances, ou un enlisement des débats qui empêcherait un vote avant la date limite du 21 novembre, lié aux délais constitutionnels. Dans les deux cas, la conséquence serait une transmission directe du texte au Sénat.
En attendant pendant cette interruption, les députés vont continuer à mener batailler, la semaine prochaine, avec l’examen tout aussi sensible du budget de la Sécurité sociale.