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Dette : l’agence Moody’s offre un sursis à la France, mais entrevoit une perspective négative


Troisième évaluation du semestre pour l’élève France. L’agence Moody’s a annoncé ce vendredi maintenir la note de la dette souveraine française à Aa2, soit l’équivalent d’un 18 sur 20 si on se réfère à la note la plus élevée Aaa. Mais cette note est assortie d’une perspective négative, signe d’un manque de confiance en la capacité du pays d’engager des réformes de fond pour résorber le déficit.

« C’est un avertissement. Ça veut dire que l’agence attend de voir quelle va être la trajectoire des finances publiques », analyse auprès du Parisien Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au BDO. « Le message, c’est Attention, si vous ne faites rien, on dégrade la prochaine fois. C’est un signal envoyé à l’État », abonde Sylvain Bersinger, du cabinet Asterès.

Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, a indiqué qu’il « prend note » de cette décision, et a affirmé que « la France dispose de forces économiques réelles » et est « capable de mener des réformes d’ampleur ».

Il y a deux semaines, c’est l’agence Fitch qui avait suivi le même raisonnement que sa collègue de Wall Street. Quant à Standard & Poor’s (S&P), qui avait revu à la baisse sa note il y a quelques mois, elle doit rendre sa nouvelle copie le 29 novembre. Le gouvernement du Premier ministre Michel Barnier, empêtré dans les discussions budgétaires incertaines à l’Assemblée, n’en a donc pas fini avec le ballet des agences américaines.

« Une vision assez gentille »

« Dégradation très forte des comptes publics, instabilité politique et donc difficulté à faire voter un budget, manque de visibilité à moyen terme… Il y avait mille arguments pour dégrader la note de la France. Déclasser seulement la perspective, c’est une vision assez gentille », estime de son côté Mathieu Plane, directeur adjoint de l’OFCE. Pour Anne-Sophie Alsif, « c’est donner une chance au gouvernement. Moody’s note qu’il y a une volonté de désendetter sans trop toucher à la croissance, donc sans être récessif. »

Les finances publiques sont largement parties à la dérive ces derniers mois, amenant l’Union européenne à engager contre la France une procédure pour déficit excessif. « Tout le monde commence à grincer des dents. Un déficit à hauteur de 6 % du PIB, ça ne peut pas durer éternellement », avertit le cabinet Asterès. Un message entendu par le gouvernement mais le projet de loi de Finances, qui donne des maux de tête à l’exécutif tant l’Assemblée est fragmentée, vise les 60 milliards d’euros d’économie dès l’an prochain. Avec un objectif assumé de revenir sous les sacro-saints 3 % en 2029.

Pour autant, il ne faut pas s’alarmer, assurent en chœur les trois économistes : la France n’est pas du tout la Grèce ruinée par la crise à partir de 2008. « Mais la pente nous y conduit d’ici une quinzaine d’années, il faut travailler à ne pas y être », avertit Sylvain Bersinger. Ce dernier prend pour indicateur le spread. Ce thermomètre de la santé financière des États mesure la différence entre le taux auquel un pays européen emprunte sur dix ans à celui de l’Allemagne. « Ça revient à se comparer au meilleur de la classe. »

Et s’il est en hausse ces derniers mois, ce n’est pas lié aux moins bonnes notes du bulletin français. « Il a augmenté au moment de la dissolution (de l’Assemblée nationale). À cause de l’incertitude politique née de cette décision », appuie Mathieu Plane. Qui rassure : « On a de l’épargne, des actifs, on sait lever l’impôt. On a d’autres fondamentaux que notre déficit qui font que la France est assez solide. »

S’il n’y a pas matière à s’alarmer, c’est parce que la dette française reste attractive pour les créanciers, même s’ils nous la font payer un peu plus cher désormais. « On l’est aussi, car il y a beaucoup de liquidités à placer et de moins en moins de pays où investir. On a peut-être un problème de dettes, mais dans cet îlot de désastres qu’est le monde, avec les problèmes géopolitiques, les conflits armés, les guerres commerciales, on est moins pire que les autres », conclut Anne-Sophie Alsif.

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