Le feuilleton le plus suivi dans l’édition depuis le début de l’année pourrait se dénouer rapidement. Lise Boëll, qui a été l’éditrice d’Eric Zemmour, de Philippe de Villiers, et semble-t-il bientôt de Jordan Bardella, s’apprête à rejoindre Hachette Livre. Son arrivée se précise, non sans heurts. Le groupe de Vincent Bolloré, Vivendi, qui a pris officiellement le contrôle du troisième groupe mondial d’édition fin novembre 2023, signerait, avec cette nomination, sa première reprise en main idéologique de la maison.
Lise Boëll, qui n’a pas souhaité répondre à nos questions, est précédée d’une réputation sulfureuse. Ancienne d’Albin Michel qu’elle avait quitté en même temps qu’Eric Zemmour, l’éditrice avait été imposée en novembre 2021 à la tête de Plon (Editis) par la direction de Vivendi (qui depuis a cédé Editis pour mettre la main sur Hachette). De façon ubuesque, l’actionnaire avait maintenu chez Plon, déjà dirigée par Céline Thoulouze depuis octobre 2020, une direction bicéphale.
Ce qui sans surprise avait rendu abrasive la rivalité entre les deux équipes, rebaptisées Plon A et Plon B. Deux enquêtes indépendantes sur le management de Lise Boëll avaient dénoncé « des salariés en souffrance », « des risques de harcèlement moral », « des atteintes à la dignité » et « des humiliations répétées en public » ou encore son « management autoritaire ». Malgré ce constat, l’éditrice avait été choisie en mars 2023 pour diriger seule la maison.
Lui trouver une place
Lise Boëll a quitté Editis fin décembre, à la suite d’une rupture conventionnelle avec le nouvel actionnaire, l’homme d’affaires tchèque Daniel Kretinsky. Depuis, la direction de Vivendi envisage toutes les hypothèses pour lui trouver une place chez Hachette. La première idée a été de la placer à la tête de Fayard, quitte à évincer Isabelle Saporta de son poste. Cette dernière n’a pas répondu à nos sollicitations, mais la direction d’Hachette Livre a affirmé au Monde mardi 20 février que Mme Saporta restait à son poste. Ce qui n’allait pas de soi. D’autant qu’Isabelle Saporta a refusé une très confortable hausse de salaire pour chapeauter Lise Boëll chez Fayard.
Arnaud Lagardère, PDG d’Hachette Livre, a confirmé aux salariés du groupe qu’il cherchait désormais une autre solution pour accueillir Lise Boëll, quitte à lui confier une entité ad hoc au sein du groupe. Une petite structure adaptée à son profil de dénicheuse de talents, leur a-t-on dit. L’idée de faire renaître Hachette Littératures − une filiale d’Hachette qui faisait tout sauf de la littérature et avait fusionné en 2009 avec Fayard − a été explorée. En vain. L’hypothèse de lui confier Pauvert − l’éditeur historique de Sade et de Georges Bataille − a aussi été écartée. La direction d’Hachette pourrait annoncer sa décision dans les huit jours.
