En annonçant dans son discours de politique générale, mardi 30 janvier, vouloir réformer l’article 55 de la loi Solidarité et renouvellement urbain, ou loi SRU, le premier ministre, Gabriel Attal a porté un coup terrible à un équilibre républicain devenu essentiel. Adoptée en 2000, la promesse de la loi SRU était simple : s’assurer que toutes les communes urbanisées disposent de 20 % à 25 % de logements sociaux. Elle faisait entrer dans notre vie démocratique une règle de bon sens : mettre fin à la « spécialisation » de certains territoires ; autrement dit, en finir avec « les ghettos de pauvres » face aux enclaves de richesses sans aucun logement accessible aux plus modestes. La loi SRU, c’est la garantie du socle minimum de contribution de tous les territoires à l’exigence de solidarité nationale que constitue le droit au logement.
La loi SRU a produit en vingt ans des effets économiques et sociaux considérables. Elle a permis la construction de plus de la moitié des logements sociaux. La loi « 3DS » (« Différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification ») récemment adoptée l’a sanctuarisée. La loi SRU lutte concrètement contre les différents séparatismes et permet à de nombreuses villes, victimes de la spéculation immobilière et de la cherté des loyers, de continuer d’accueillir des ménages aux revenus modestes. Cette loi prend place parmi les grands textes législatifs qui structurent notre démocratie.
Bien qu’elle fasse aujourd’hui consensus dans un très large spectre politique, la loi SRU a déjà subi des attaques régulières et des tentatives ponctuelles de remise en cause. La plus dure a sans doute été celle qui a conduit en 2006 l’abbé Pierre à manifester en personne à l’Assemblée nationale pour fustiger celles et ceux qui au Parlement voulaient « réduire les soutiens apportés aux petits ». A chaque élection, on ne compte plus les propos d’estrade, les petites phrases calibrées pour les réseaux sociaux qui tentent de faire de la loi SRU la responsable de tous les maux de notre société.
« Loyers inaccessibles à plus de 95 % des ménages »
Derrière ces attaques se cache un égoïsme qui n’ose s’assumer : « Nous, bien-logés, nous, ménages aux revenus suffisants, nous ne voulons pas qu’on nous mélange aux pauvres et aux modestes. » Aujourd’hui, l’inquiétude est grande chez les femmes et les hommes de bonne volonté, attachés à la promesse républicaine.
Pourquoi la mesure annoncée par le premier ministre Gabriel Attal bouleverse les équilibres ? Parce qu’en intégrant du logement dit « intermédiaire » dans les décomptes des 25 % de logement social, on viendra compter des logements dont les loyers sont totalement inaccessibles à plus de 95 % des ménages demandeurs d’un logement social.
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