Fini le « quoi qu’il en coûte » et les mesures dispendieuses, l’État entre dans une période de vaches maigres. Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a présenté, ce dimanche soir au 20 Heures de TF1, un plan de 10 milliards d’euros d’économies. Nécessaire pour réduire le déficit public à 4,4 % du PIB en 2024, objectif affiché et maintenu par le gouvernement, alors que la dette s’est accrue avec le « quoi qu’il en coûte » et pèse sur le budget de la France avec la remontée des taux d’intérêt.
« La croissance ralentit partout dans le monde, notamment en Europe. Dans ce contexte, je réviserai la croissance de 1,4 % à 1 % pour 2024. À partir du moment où nous avons moins de croissance, il y a moins de recettes fiscales. Des économies sont donc nécessaires », a expliqué Bruno Le Maire.
Moins de crédits accordés aux ministères
L’effort ne pèsera pas sur les ménages avec une augmentation des impôts, « la voie de la facilité », pointe le ministre de l’Économie, en accord avec le président de la République et le Premier ministre. « L’idée c’est de dire qu’on a demandé parfois des efforts aux Français. Cette fois-ci, c’est l’État qui doit faire des efforts », assure-t-on dans l’entourage du Premier ministre, Gabriel Attal.
Les deux hommes se sont vus pas moins de quatre fois cette semaine pour décider ensemble et précisément des mesures d’économie qu’ils allaient annoncer, et comment porter le message politique, après une réunion, mardi à l’Élysée, autour du président de la République. « Nous avons choisi de réduire les dépenses immédiatement et massivement. Il s’agit de la voie du courage et de la responsabilité, martèle Bruno Le Maire. L’État se serre la ceinture. » « La question, c’est de voir comment on peut arriver à faire des économies rapidement, et qu’elles soient bien perceptibles des Français », ajoute-t-on à Matignon.
Ces 10 milliards d’euros d’économies se divisent en deux parties. 5 milliards d’euros seront pris sur la gestion (immobilier, énergie, achats…) de tous les ministères, sans exception. Un décret sera pris « dans les prochains jours » pour réduire les crédits accordés. Les 5 milliards restants seront économisés à travers l’annulation de politiques publiques. Un milliard sera prélevé sur les budgets d’opérateurs de l’État comme le Cnes (Centre national d’études spatiales), France compétences ou Business France ; 800 millions d’euros sur les aides publiques au développement, notamment versées à l’Organisation des nations unies (ONU).
Le budget de MaPrimeRénov’raboté
Autre exemple, et seule mesure ayant un impact direct sur les particuliers, le budget consacré à MaPrimeRénov’sera raboté de 1 milliard d’euros. « Nous avions prévu qu’il augmente de 3,5 milliards en 2023, à 5 milliards d’euros en 2024. Il se situera, donc, à 4 milliards d’euros cette année, explicite Bruno Le Maire. Cela s’accompagnera de mesures de simplification, demandées par les fédérations du bâtiment et de la construction. » Une réduction paradoxale au vu de l’objectif de 200 000 rénovations d’ampleur par an souhaitées par l’État en 2024.
Le gouvernement réalisera ces deux paquets d’économies sans avoir besoin de passer par un projet de loi de finances rectificative (PLFR), un temps évoqué. En tout cas pour l’instant. « Nous verrons comment évoluera la conjoncture, notamment si les taux d’intérêt fixés par les banques centrales baissent ou pas. En fonction, nous nous réservons la possibilité de réaliser un PLFR à l’été 2024, avant d’engager de nouvelles baisses de dépenses dans le cadre du projet de loi de finances 2025 », souligne Bruno Le Maire. L’exécutif veut s’épargner ce scénario qui obligerait certainement à recourir au 49.3, ce que Gabriel Attal veut éviter.
Pour tenir les objectifs, il faudra sans doute de nouvelles mesures
Pourtant, la perspective d’un PLFR paraît « inéluctable », aux yeux d’Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet de conseil économique BDO. « Avec ce plan, le gouvernement semble envoyer un signal, mais il ne suffira pas, tranche-t-elle. Il semble encore trop optimiste, avec une croissance à 1 % quand la majorité des organismes prévoient 0,8 %. De même pour le déficit public, qui devrait se situer à 4,9 % plutôt que 4,4 %… » En clair, si Bercy veut tenir ses objectifs, de « plus grosses économies », avec sans doute un véritable impact sur les ménages, devraient être indispensables dans les mois à venir.
Mais ce n’est, pour le gouvernement, sans doute pas le moment de s’y atteler. Ce premier coup de semonce répond, dans l’immédiat, à un gros enjeu économique, mais aussi politique, pour l’exécutif, avec un risque de dégradation de la dette et de la note de la France, qui pourrait arriver juste avant les élections européennes. Et derrière, le risque d’un boulevard pour le Rassemblement national, déjà grand favori du scrutin.