Comment attirer les Français vers le vin ? Faire revenir ceux qui l’ont boudé ? Le rendre plus accessible aux jeunes ? La filière travaille sur le sujet, consciente que, pour l’instant, il n’y a pas de solution miracle. Elle reste même en grande majorité sceptique face aux pistes proposées : moins d’alcool dans les jus ou pas d’alcool du tout, canettes pour séduire les jeunes, étiquettes colorées et plus percutantes, jus d’un seul cépage pour simplifier… Mais peu de marques osent rompre avec le rituel du tire-bouchon.
Olivier Dauvers, auteur et éditeur spécialisé dans la grande distribution, multiplie les conférences sur le sujet en prenant soin de ne pas braquer les professionnels. Sans leur cacher que la filière « n’est plus en résonance avec l’époque », qu’elle « s’adresse aux parents de ceux qu’elle vise ».
Il prend l’exemple de la bière : les canettes de 25 et 33 centilitres, outre qu’elles sont légères, s’adaptent mieux aux petites envies que la bouteille de 75 centilitres. Il propose, pour les cuvées à petit prix, d’en finir avec les étiquettes ornées d’un blason ou d’un château. Et de cesser de mettre en avant une appellation d’origine contrôlée (AOC) qui égare plus qu’elle ne rassure le consommateur. « Les AOC ont pris le rôle de marque, explique l’expert. Or, on attend d’une marque qu’elle propose un produit constant. Chez Novotel, je ne veux pas avoir tantôt une grande salle de bains, tantôt la douche dans le couloir. Mais, dans les vins de Bordeaux, on a des bouteilles à 1,99 euro et d’autres à 1 000 euros, c’est incompréhensible pour les gens. »
L’opération séduction de Bordeaux
Bordeaux a justement commencé à répondre aux enjeux avec deux campagnes publicitaires, l’une en juillet 2023, pour montrer la diversité des goûts de ses vins rouges, l’autre début février, qui réunit les viticulteurs et les consommateurs sur les mêmes images. Le point d’orgue est un spot vidéo, diffusé sur le site Web et les réseaux sociaux des vins de Bordeaux. Il en existe deux versions, l’une pour la France, « loi Evin compatible », l’autre pour l’international, où l’on voit, dans une ambiance joyeuse et décomplexée, le vin couler dans les verres et les consommateurs le porter aux lèvres.
« Nous voulions remettre le consommateur au cœur de cette campagne, quitte à bousculer les professionnels », reconnaît Florence Bossard, directrice marketing des vins de Bordeaux. Selon elle, le vignoble s’est trop longtemps concentré sur des codes propres aux œnologues, perpétuant « un produit et un savoir-faire ancrés dans une consommation qui n’est plus celle d’aujourd’hui ». L’ambition est claire : « construire les consommateurs de demain », qui, pour l’instant, lorgnent des boissons concurrentes, faute de communication qui leur corresponde.