En 2021, le Normand Moufid Taleb s’était préparé à affronter le Groenland. La crise sanitaire l’avait finalement détourné de cet objectif, et il s’était rabattu sur une traversée du Hardangervidda, en Norvège. Ce plateau, le plus grand d’Europe intégralement dépourvu d’arbres, est notamment connu pour avoir servi de décor à des scènes enneigées du film Star Wars « L’Empire contre-attaque ». Même si la première tentative de l’explorateur a échoué en 2022, à cause d’un cyclone extra-tropical qui a failli le tuer, il se prépare à repartir de Saint-Étienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), « pas refroidi », le 17 décembre prochain, pour une nouvelle expédition.
Son aventure d’explorateur amateur avait commencé dans les Alpes suisses en 2021, avec l’explorateur belge Dixie Dansercoer – décédé quelques mois plus tard lors d’une expédition au Groenland –, puis par un premier trekking en solitaire dans le parc naturel du Sarek en Suède. Mais, à cause du Covid, Moufid Taleb se voit refuser un accès à la banquise du Groenland en avril 2021. C’est fin janvier 2022, quelques jours après le début de sa traversée de 600 km du plateau d’Hardangervidda, qu’il se retrouve piégé par le cyclone extra-tropical Malik : « Je ne pouvais plus progresser à cause des rafales de vent. Alors, je me suis installé sous ma tente le temps que la dépression passe », se souvient-il. « Mais, au milieu de la journée, mes ancrages ont lâché. La tente, longue de 4 m, une vraie voile, a menacé de s’envoler avec toutes mes affaires alors que j’étais en sous-vêtements. Pendant des dizaines de minutes, j’ai lutté contre le vent avant de me replonger dedans. C’était un combat perdu d’avance. Sans arceaux, je me suis retrouvé enseveli. Je n’étouffais pas, mais j’avais très froid. J’ai pensé vraiment mourir. En plus, mon téléphone satellite ne captait pas le réseau. »
« Je sais quand je pars, mais pas quand je reviens »
Mais, contre les éléments, l’explorateur n’a rien lâché. Il a alors poursuivi ses tentatives jusqu’à arriver à envoyer un SMS à sa famille. Un court message qui mettra deux heures et demie à arriver à destination. « Je connaissais mes coordonnées GPS. J’ai réussi à écrire tente détruite, appelez secours. Après, je suis resté sous la neige je ne sais pas combien d’heures. J’écoutais des podcasts », explique-t-il en riant. « Un moment, le téléphone satellite a grésillé. C’étaient les secours norvégiens. Vu la météo, un hélico ne pouvait pas venir. Un chasse-neige, une ambulance et sept motoneiges mettront sept heures à me retrouver. Après la prise de mes constantes, j’ai été évacué à l’hôpital le plus proche. Finalement, je n’avais rien de grave. Seulement, ma famille m’a cru mort pendant des heures. »
De retour en France quelques jours plus tard, Moufid Taleb a souhaité immédiatement rebondir. « J’ai passé un diplôme de guide polaire indépendant et j’ai abandonné mon métier de développeur informatique. Depuis un an, j’alterne les voyages pour des prestataires », précise-t-il. Avec cette expérience supplémentaire, il se sent prêt à retenter la traversée d’Hardangervidda : « Ce n’est pas une revanche, mais j’ai besoin d’y retourner. Je m’y sens vivant. Aller chercher quelque chose que je ne sais pas définir exactement. Poursuivre mon chemin vers ses espaces. Alors, je vais me lancer sur une trace de 200 km au moment où les journées ne font que deux heures et la neige est abondante. Des conditions difficiles. Je sais quand je pars, mais pas quand je reviens. Je passerais certainement le Nouvel An là-bas. Pour cela, je me suis préparé physiquement et j’ai complété mon matériel, notamment de communication, que j’avais totalement perdu. » Une aventure qu’il décrira, comme ses précédentes, sur son site.