Sévère mais juste : voilà l’image qu’a voulu renvoyer Michel Barnier ce jeudi soir pour sa première intervention télévisée depuis sa déclaration de politique générale de mardi. Invité de « L’Événement », l’émission politique de France 2, le Premier ministre a eu l’occasion pendant trois quarts d’heure de balayer plusieurs sujets de la politique de son gouvernement, en revenant plus particulièrement sur la question du budget et les hausses d’impôts. Un sujet qui électrise les débats depuis plusieurs jours.
« Nous allons demander un effort aux plus grandes entreprises qui font plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, un effort exceptionnel temporaire », a ainsi détaillé le Premier ministre sur France 2. Cela pourrait concerner environ 300 entreprises en France, selon lui. Une « taxation exceptionnelle » pourrait s’étaler sur « un an, peut-être deux ans », a poursuivi le chef du gouvernement, ajoutant que ce serait au Parlement d’en décider et de l’inscrire dans la loi.
Dès sa nomination à Matignon, Michel Barnier avait émis de ses vœux une plus grande « justice fiscale ». Concernant les particuliers, cette participation exceptionnelle se fera par un « dispositif fiscal sur les très hauts revenus », a-t-il dit, citant l’exemple d’un revenu fiscal de 500 000 euros par an pour un couple, « mais pas en dessous ». Cela devrait permettre de « récupérer 2 milliards d’euros », selon le Premier ministre.
« Je ne veux pas être populaire, mais responsable »
Ces derniers jours, la perspective de toute hausse d’impôts, même temporaire, a braqué une partie de la classe politique, dont l’ancienne majorité présidentielle, globalement farouchement opposée à cette idée. Jeudi matin, c’est l’ancien ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin en personne qui est monté au créneau. « Je ne voterai pas une augmentation d’impôts », a ainsi affirmé le député du Nord et ancien ministre de l’Intérieur sur France Info. « Ça devient contraire à ce que nous avons fait depuis très longtemps », a-t-il poursuivi, assurant que cela aboutirait à une hausse du chômage. « On retourne dans l’ère socialiste de François Hollande », a encore pilonné Darmanin.
Pas de quoi décontenancer Barnier visiblement. « On verra s’il a de bonnes idées pour trouver d’autres solutions dans de mêmes proportions. Je serai ouvert », a-t-il commenté, jeudi soir, sur France 2 dans un ton qui lui est désormais caractéristique : mi-diplomate, mi-sec.
« C’est un effort justifié, mais qui ne me fait pas plaisir. Je ne veux pas être populaire, mais responsable », a poursuivi le Premier ministre, défendant un budget et des décisions « difficiles » mais « justes ».
« On verra si on y arrive. Et si on n’y parvient pas, on utilisera le 49.3 »
Et d’affirmer avoir une seule « angoisse » : « la crise financière » dont « les plus faibles » payent toujours davantage le prix. Autres mesures d’économies évoquées : la fusion de certains services publics, une allocation sociale unique, ainsi que le non-remplacement systématique des « fonctionnaires qui ne sont pas en contact direct avec les citoyens » — comprendre employés à des tâches le plus souvent administratives.
Interrogé sur l’espoir de faire voter un tel budget, Michel Barnier a rappelé que ce serait difficile. « On verra si on y arrive. Et si on n’y parvient pas, on utilisera le 49.3 qui est un outil de la Constitution », a-t-il clairement affirmé. Une procédure qui vise à faire passer des textes, en engageant la responsabilité du gouvernement sur ce dernier. Et qui ouvre la possibilité aux députés de le renverser.
L’hôte de Matignon a souligné que s’il était soutenu par un « socle minoritaire », il n’existait pas non plus de majorité évidente « contre » son budget. Ce dernier doit être présenté la semaine prochaine en Conseil des ministres, son examen dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale débutera le 21 octobre.