L’horizon s’obscurcit pour les voyageurs qui avaient prévu de prendre le train la semaine du 8 mai. La réunion organisée ce mercredi après-midi, au siège de la SNCF, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), entre la direction et SUD Rail, s’est conclue par un échec.
« Elle a duré deux heures, mais elle aurait pu se terminer au bout de deux minutes, résume Fabien Villedieu, secrétaire fédéral de SUD-Rail. Dès le début, la DRH de la branche Voyages a été honnête. Elle nous a dit qu’il n’y aurait pas d’évolution sur la rémunération. Quant aux modifications de plannings, qui rendent la vie quotidienne insupportable pour les contrôleurs et les conducteurs, elle est restée sur la mise en place d’ateliers de travail. C’est du foutage de gueule. »
Plusieurs préavis de grève ont été déposés pour la deuxième semaine de mai. Le lundi 5, ce sont les commerciaux, autrement dit les cheminots qui travaillent dans les gares, qui sont appelés à cesser le travail une journée. Le lendemain, ce sont leurs collègues du matériel, qui s’occupent notamment de réparer les TGV, qui sont invités à poser le sac pendant vingt-quatre heures. Suivront le 7 mai les conducteurs, également pour une journée.
Les 9, 10 et 11 mai pourraient s’avérer compliqués
Si le 8 mai, jour férié pour commémorer la signature de l’armistice de la Seconde Guerre mondiale, aucune grève n’est prévue, les 9, 10 et 11 mai pourraient s’avérer particulièrement compliqués pour voyager en train. Cette fois, ce sont les contrôleurs qui devraient se mettre en grève à l’appel de SUD-Rail, troisième syndicat de la SNCF mais deuxième au sein de cette catégorie de cheminots.
Surtout, derrière ce préavis, se cache le CNA, un collectif de contrôleurs. En 2022, ce sont eux qui avaient cassé le tabou de se mettre en grève lors des fêtes de Noël. En février 2024, ce sont encore eux qui avaient cessé le travail lors des vacances de février. « À chaque fois, ils ont réussi à faire plier la direction », confie un syndicaliste historique de la SNCF, qui ne cache pas son agacement de voir des mouvements sociaux se construire hors du champ syndical.
D’ailleurs, du côté de la direction, on assume de rester sur ses positions. « Nous avons fait le job, résume-t-elle. Tous les engagements pris en 2022 ont été tenus et notamment en termes d’embauche chez les contrôleurs, + 11 % entre 2021 et 2024. »
Sur les salaires, pas question non plus d’accorder les 100 euros net de hausse par mois de la prime de travail réclamée par Sud Rail. « Les rémunérations, elles sont discutées lors des NAO (négociations annuelles obligatoires), insiste la direction. Pour l’ensemble des 150 000 cheminots et non par catégorie. »
Au passage, la direction de la SNCF ne manque pas de répéter la hausse moyenne de 2,2 % des salaires pour 2025 alors que l’inflation n’a été que de 1,3 % l’année dernière. Ces augmentations apparaîtront sur la fiche de paie du mois d’avril, tout comme la prime d’intéressement de 1 300 euros.
« On est des enragés du dialogue social »
Des chiffres contestés par SUD-Rail. « Les 2,2 %, c’est une moyenne en cumulant les hausses liées aux prises d’échelon ou encore à l’ancienneté, décortique Fabien Villedieu. La réalité, c’est que pour un cheminot qui n’a pas eu d’évolution de carrière ou n’a pas franchi de marche d’ancienneté, l’augmentation sera de 1 %. Comment peut-on accepter ça quand la SNCF a fait 1,6 milliard d’euros de bénéfices en 2024 ? »
Quelle sera la suite ? « On est sur un conflit potentiel », reconnaît la direction. Tout en laissant la porte ouverte : « On est des enragés du dialogue social. »
La semaine prochaine, deux réunions sont prévues : « Pour constituer des groupes de travail, et se mettre d’accord sur un cahier des charges pour un audit sur l’organisation des plannings qui aura lieu en juin avec des conclusions rendues en septembre, balaie Fabien Villedieu. Il n’y a plus de réunion de négociations. »
Ce jeudi, sur RTL, le ministre des Transports, Philippe Tabarot, a indiqué avoir bon espoir que la direction de la SNCF « trouve un accord et que certains syndicats reviennent à la raison ». Tout en rappelant qu’« une journée de grève, c’est 10 millions d’euros qui ne sont pas investis dans le réseau. Donc ceux qui se prétendent (…) amoureux du ferroviaire et qui souhaitent que l’Etat à travers la SNCF puisse investir dans le ferroviaire doivent (…) ne pas utiliser en permanence l’arme de la grève ».
Selon un syndicaliste habitué au bras de fer avec la SNCF. « Désormais, il y a deux solutions : soit la direction gagne du temps pour jauger un peu de la mobilisation et avisera en fonction. Soit c’est Fermez le banc, notamment parce qu’elle a l’appui du ministre des Transports, Philippe Tabarot, qui estime que les revendications ne sont pas légitimes. Et à partir de là, ça peut se durcir. »
Effectivement, SUD-Rail n’écarte pas de déposer de nouveaux préavis de grève après la semaine du 8 mai. « On croyait qu’on pouvait encore négocier. Mais là c’est la douche froide, reconnaît Fabien Villedieu. On va travailler pour mobiliser les cheminots. »
Généralement selon la SNCF, chaque week-end prolongé de mai voit circuler près d’un million de clients. Pour l’heure, « il n’y a pas encore eu de mouvement d’annulation de billets », précise-t-on au sein du groupe.