Inconditionnelle des repas « faits maison », Florence n’est pas une adepte des plats industriels, surtout pour Noé, dix-huit mois, le petit dernier de la famille. Mais en février, pressée par le temps, cette Parisienne, mère de deux enfants, a rompu avec ses habitudes en achetant des petits pots de paella tout faits pour son bébé.
Mal lui en a pris car ce sont précisément ces produits, commercialisés par la marque Nestlé, qui viennent d’être rappelés pour des raisons sanitaires. Il s’agit de pots salés des marques Nestlé P’tite Recette, Nestlé Naturnes et Nestlé P’tit Souper. Les modèles visés par ce rappel sont : Lentilles Vertes Jambon, Paella, Spaghetti Bolognaise, Tajine de Poulet, Couscous, Spaghetti Bolognaise BIO, Pastasotto, Légumes Verts Carottes, Légumes du Soleil Dinde riz. Aucun autre pot n’est concerné.
Vendus dans toute la France et dans la quasi-totalité des enseignes – Leclerc, Intermarché, Auchan, Carrefour… –, ces lots contiendraient en trop grande quantité de l’ochratoxine A (OTA), une substance naturelle produite par certaines moisissures.
Une toxine dangereuse seulement en grande quantité
Ces produits sont commercialisés depuis septembre 2024 et les personnes qui s’en sont procuré sont invitées à ne plus les consommer. Comment cette mycotoxine a-t-elle pu se retrouver dans des plats complets pour enfants ? On sait qu’elle peut être présente dans des denrées variées, notamment des céréales, des viandes en conserve, des fruits frais et secs ou des fromages. D’après un avis scientifique de l’Agence européenne de sécurité sanitaire (EFSA) sur les risques sanitaires liés à sa présence dans les aliments, l’OTA « peut être génotoxique en endommageant directement l’ADN ».
Elle peut également être cancérigène pour le rein. L’EFSA a donc calculé une marge d’exposition et une dose hebdomadaire tolérable au-delà de laquelle il n’est pas recommandé de commercialiser des produits qui en contiendraient trop. Dans le cas actuel, « il s’agit d’une non-conformité ponctuelle due à un lot unique de matière première incorporé en très faible quantité, peut-on lire sur le site Rappel Conso du gouvernement. Seule une consommation répétée tout au long de sa vie pourrait avoir un impact. »
« Il ne faut pas affoler les parents »
Contacté, Nestlé tient à souligner que les marques d’aliments pour bébé concernées sont désormais gérées par l’entreprise Sitpa, à qui le groupe suisse a cédé l’activité en juillet dernier. Le groupe agroalimentaire précise que la toxine en question « provient d’un lot d’ail utilisé comme exhausteur de goût ». Quid de la toxicité de ces pots ?
« Il n’y a aucun risque, certifie le porte-parole de Sitpa Bernard-Xavier Spokojny. Il faudrait en avoir mangé tous les jours jusqu’à la fin de sa vie pour qu’il y ait un effet ». Une explication que semblent confirmer les autorités sanitaires. « Il y a évidemment des seuils réglementaires à ne pas dépasser pour réduire le niveau d’exposition mais il ne faut pas affoler les parents, souligne-t-on à la Direction générale de l’alimentation. Consommer ponctuellement un produit qui serait au-dessus de ce seuil ne présente aucun risque».
Reste une question : pourquoi ce rappel, qui n’est intervenu que vendredi, concerne-t-il des produits commercialisés depuis… septembre ? « Nos produits sont testés régulièrement et c’est le 15 avril dernier qu’un prélèvement a révélé un niveau de toxine supérieur à la normale qui a donné suite à un rappel volontaire de notre part, explique Bernard-Xavier Spokojny. Nous avons immédiatement tout bloqué et préféré, par mesure de précaution, remonter jusqu’aux lots du mois de septembre ».
Florence, elle, s’est en tout cas ruée dimanche midi sur son frigo. « Je vais évidemment les jeter mais ce n’est pas rassurant de constater que même des produits de marque ne sont pas 100 % sûrs », déplore la mère de famille. « Vu tous les scandales de la marque, boycottez Nestlé », a commenté de son côté un internaute sous l’avis de Rappel Conso. « Nestlé ayant déjà été épinglé pour le scandale des pizzas Buitoni et la contamination de l’eau Perrier, ça donne effectivement envie de boycotter la marque », abonde Florence.
Côté grande distribution, on se veut aussi plutôt rassurant. « Nous recevons de nombreux rappels de produits, parfois trois ou quatre par jour, confie un professionnel du secteur. Je ne sais pas s’il faut s’en inquiéter ou s’en féliciter mais ça prouve que le principe de précaution fonctionne. Dans ce cas précis, si on en parle un peu plus, c’est parce qu’il s’agit de Nestlé et de nourriture destinée aux jeunes enfants, ajoute-t-il. À mon avis, après l’affaire Buitoni et désormais l’affaire Perrier, Nestlé ne veut prendre aucun risque ».
Les cas de présence de cette toxine dans l’alimentation ne sont en fait pas rares. Entre janvier 2019 et juillet 2022, le système d’alerte rapide qui signale les problèmes relatifs aux produits agroalimentaires dans l’Union européenne (RASFF) a émis 211 notifications concernant des contaminations de denrées par l’ochratoxine A, dont 113 pour des fruits (principalement des figues séchées ou des raisins secs), 37 pour des céréales (surtout du riz) et 31 pour des épices.