March 12, 2025
Economy

Que vaut vraiment le bachelor sur le marché du travail face à la licence et au BUT ?


À l’origine, le bachelor est là pour ça. Former de jeunes professionnels prêts à travailler, sans avoir dû s’engager dans des études interminables. Une majorité estime cependant plus sage de prolonger leur formation jusqu’à bac +5, craignant que l’échelon inférieur ne soit pas suffisant pour décrocher de bonnes opportunités ou freine leur évolution par la suite.

Recrutée avant le diplôme

Eugénie est l’incarnation du contraire. « Après mon bachelor, je n’ai pas hésité longtemps. J’avais trop soif de travailler », se souvient cette jeune diplômée de l’École supérieure de tourisme de Troyes (Aube). Après tout, un bachelor amène toujours les étudiants à faire des stages afin de les préparer à la réalité de leur futur métier. « Mon cas est un peu particulier… En réalité, j’ai été embauchée directement en CDI (contrat à durée indéterminée) au lieu d’effectuer un stage dans le cadre d’une convention entre l’école et l’entreprise », explique Eugénie.

Dès lors, la jeune femme était lancée. Après son « stage » de six mois en tant que réceptionniste, elle passe première de réception de son hôtel, puis, encore six mois plus tard, chef de réception. Au bout d’un an et demi de carrière, la voici assistante de direction. Pour bientôt devenir purement et simplement directrice de l’hôtel Campanile de Troyes. Le tout à moins de 25 ans.

Ceux qui craignaient qu’un simple bachelor ne leur permette pas d’évoluer peuvent souffler. « En tant que directrice, je ne ressens aucun manque de ne pas avoir prolongé mes études. J’ai du mal à voir ce qu’un master m’aurait apporté de mieux que mon expérience de terrain », poursuit Eugénie. Laquelle envisage plutôt des formations courtes et ciblées à l’avenir : pour maîtriser un nouvel outil, acquérir une compétence bien précise, etc. Faire ses preuves « L’évolution professionnelle dépend avant tout de l’implication et de la personnalité du collaborateur », acquiesce Pierre Mage, managing partner de Selescope, cabinet de recrutement spécialisé dans l’emploi des cadres dans des secteurs variés (distribution, conseil, agroalimentaire, industrie, informatique, etc.).

Cependant, il ne le nie pas : le niveau de diplôme conditionne le poste de départ. « Pour une fonction de commercial, un bac +3 suffit si le produit à vendre existe déjà, qu’il ne présente pas de valeur ajoutée trop complexe. En revanche, s’il est très technique ou nécessite d’être conçu sur mesure pour un client, les employeurs préfèreront un bac +5 », détaille le recruteur. Même observation sur les fonctions marketing, où un diplômé peut tout à fait devenir chef de produit, mais plus rarement être embauché pour bâtir une stratégie de lancement, par exemple.

Banques et assurances apprécient le profil des bac +3 en business, dont elles complètent la formation elles-mêmes sur les questions réglementaires qui leur sont spécifiques. « Dans cette filière, les entreprises cherchent à recruter et n’hésitent pas à le faire savoir », approuve Mélissa. Après une première expérience dans la vente qui n’a pas été à son goût, la jeune femme a intégré en 3e année le bachelor de l’ESBanque, à Saintes (Charente-Maritime).

En trouvant sans difficulté une alternance chez LCL, elle se rend compte tout aussi vite que l’entreprise aimerait la garder, une fois son diplôme obtenu. « Bien sûr, j’aurais pu continuer mes études, mais j’avais un emploi, des collègues que j’adore, un métier qui me donne envie de me lever le matin », liste Mélissa. Elle est donc aujourd’hui en CDI en tant que conseillère clientèle. « C’est un métier que j’aime car le contact humain avec nos clients n’est pas artificiel. Nous parlons de leur maison, de leurs enfants, des choses fondamentales pour eux. Il ne s’agit pas de vendre le plus possible », se réjouit la diplômée de l’ESBanque.

Les PME ouvrent leurs bras

« Un bac +3 sied parfaitement à un début de carrière. Les entreprises ont surtout besoin de personnes agiles, opérationnelles et débrouillardes », lance Thomas Vié, directeur commercial Occitanie d’Igensia Education. Les petites structures sont d’autant plus intéressées par les candidatures qu’elles communiquent peu et manquent de notoriété auprès des étudiants. « Leur présence est aussi plus éclatée géographiquement.

Cela est un atout autant qu’une contrainte : le candidat qui veut avoir les meilleures opportunités professionnelles doit se montrer prêt à bouger », souligne-t-il. Les PME (petites et moyennes entreprises) et grands groupes ont une approche différente. Les premières cherchent beaucoup de profils commerciaux et divers chargés de projet. « Un bac +3 peut tout à fait convenir, puis progresser dans l’entreprise. Dans les grands groupes, les missions sont plus cloisonnées. Certaines fonctions sont inaccessibles si l’on ne justifie pas d’un master », note Thomas Vié.

Une belle cote hors de France

Le managing partner de Selescope ne conteste pas cette distinction. « Une sorte de snobisme demeure dans les plus grandes structures, qui ne jurent que par le recrutement de bac +5. Un état d’esprit que l’on ne retrouve pas dans les PME », abonde Pierre Mage, qui a eu maintes fois l’occasion d’observer que c’était là une spécificité culturelle française. Hors de nos frontières, en effet, les recruteurs s’embarrassent moins avec le diplôme d’origine qu’avec la motivation du candidat et sa capacité d’adaptation.

C’est ce qu’a ressenti Jérémy. Sorti de l’ESDES Lyon en 2021 et peu tenté par un master, il a mis le cap sur le Luxembourg, où les employeurs sont moins attentifs au niveau académique, selon lui. « Ils étudient vos expériences en stage ou en alternance, votre capacité à travailler en anglais, votre personnalité », détaille le jeune homme originaire de Metz (Moselle), qui connaît bien ses voisins de toujours. « En France, beaucoup d’entreprises embauchent des bac +5 pour des postes qui ne nécessitent pas un aussi haut niveau. Elles ne leur proposent d’ailleurs pas le salaire correspondant », estime-t-il.

Recruté en tant que chargé de clientèle dans une entreprise fournissant des solutions comptables et du conseil aux PME, Jérémy est resté deux ans à ce poste. Aujourd’hui, le jeune homme est passé responsable grands comptes. Une évolution logique au regard de ses performances, en un temps très raisonnable. Selon plusieurs écoles interrogées, environ un quart des diplômés de bachelor démarrent leur carrière à l’étranger.

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