Benjamin Askenazi savait au moins une chose en sortant du lycée, c’est qu’il voulait faire de la science. Cela dit, les écoles d’ingénieurs traditionnelles l’attiraient peu. « Ce qui m’intéressait surtout, c’était la recherche académique. Et j’ai été admis à l’Institut d’Optique Graduate School à Paris, où cette dimension était bien présente. Même si j’ignorais à peu près tout de la discipline », retrace-t-il. Il y étudie pendant deux ans, avant d’effectuer un échange à l’Imperial College de Londres, en Angleterre, avec lequel l’établissement a un partenariat. « J’y ai rencontré les professeurs les plus passionnés et passionnants de ma vie », assure-t-il.
De retour en France, il décide de se lancer dans une thèse, avec un laboratoire de l’Université Paris Diderot. « J’ai adoré ça. Mener une thèse procure un sentiment de liberté incomparable. Le seul maître de votre sujet, c’est vous. » Si la recherche véhicule parfois, en France, l’image de scientifiques coupés de la réalité du business, Benjamin Askenazi est convaincu du contraire. « On sous-estime énormément les compétences que l’on acquiert dans un laboratoire, qui sont pourtant complètement transférables dans le monde de l’entreprise », plaide-t-il. Depuis le management de projet au recrutement de stagiaires, en passant par la nécessité de convoquer d’autres disciplines que la sienne. Et, bien souvent, de se débrouiller soi-même, « avec ses dix doigts », à l’instar d’un entrepreneur.
Data, IA, réalité virtuelle… pour une « beauté augmentée »
L’Oréal ne s’est pas trompée en proposant à Benjamin de rejoindre un secteur auquel les férus de physique et d’électronique quantiques comme lui ne pensent pas spontanément : la beauté. « Ma première fonction m’a amené à me pencher sur les couleurs de teint et de cheveux. Mon rôle était de travailler à la partie mesure et instrumentation, la modélisation de la couleur parfaite, jusqu’à la recette des produits. »
Déjà complexe, l’industrie cosmétique parle aujourd’hui de « beauté augmentée ». Celle-ci fait intervenir l’analyse de données, l’intelligence artificielle, voire la réalité virtuelle, pour proposer des essayages à distance de maquillage ou de teintures capillaires. « Il y a quelques années, nous cherchions à savoir si cette approche mêlant optique et digital était bien une voie d’avenir, si elle apporterait un vrai plus à nos clients. Aujourd’hui, nous avons la réponse. » Les équipes de L’Oréal dédiées à la beauté augmentée se sont largement étoffées. Poussant le groupe à partir à la rencontre d’étudiants à profils « tech », qui n’ont pas toujours conscience des métiers qu’il abrite.
Désormais Head of Augmented Beauty Invention de L’Oréal, Benjamin explore avec son équipe de nouvelles dimensions : effets de la lumière sur la peau, ou encore ceux du son, qui pourraient, à terme, se poser en complément des produits par exemple. « L’objectif est d’aller toujours plus loin dans la personnalisation. Nous souhaitons assurer au consommateur qu’il pourra trouver les produits les plus adaptés, quelles que soient la nature de ses cheveux ou les spécificités de sa peau », résume-t-il. Si simple en apparence, cette quête nécessite en réalité une panoplie de compétences aussi précises que variées : biotechnologies, analyse de données, physique, chimie… Sans oublier les ingénieurs informaticiens. « Nous ne ferons jamais de meilleurs algorithmes que Snapchat, mais personne ne connaît mieux que nous nos produits et nos clients », assure Benjamin Askenazi.
Du sport partout… l’esprit d’équipe infuse toutes les organisations
Les diplômés spécialisés dans le sport se retrouvent, eux aussi, dans des secteurs variés. Certains sont proches et donc pas si surprenants – emploi chez des équipementiers ou en événementiel, par exemple. D’autres sont, à première vue, plus éloignés.
« Toutes les grandes entreprises ont aujourd’hui une personne qui s’occupe du sport, si ce n’est une équipe », explique Clara, étudiante du Mastère spécialisé MROS (Management responsable des organisations sportives) d’Audencia, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Elle-même réalise son alternance dans le secteur des assurances, chez Allianz France. Pour cause, l’entreprise est partenaire du CIO (Comité international olympique) comme de plusieurs clubs, notamment le Stade Toulousain en rugby ou le Montpellier Handball. « Cela m’amène à effectuer des missions hyper variées, de la communication à la gestion des hospitalités dans nos clubs. Il s’agit d’animer tout un écosystème, fidéliser des entreprises, discuter avec les fédérations, trouver des synergies pour monter des projets », énumère Clara. Elle reconnaît avoir eu une chance folle de suivre ce cursus en pleine année de Jeux olympiques et paralympiques à Paris.
Le Mastère spécialisé en management du sport qu’elle a choisi est l’un des plus anciens. S’y mélangent des étudiants en quête d’une spécialisation, mais aussi des professionnels souhaitant évoluer dans leur carrière. « Certains travaillent déjà dans le milieu sportif et viennent chercher des compétences : en management, marketing, digital, etc. », détaille Olivier Laplanche, directeur du Mastère spécialisé MROS. Quand les autres viennent de différents secteurs et souhaitent trouver un poste qui les rapproche de leur passion.
Le sport fédère une myriade d’acteurs. « Clubs et équipementiers sont la partie visible d’une galaxie bien plus large », explique Olivier Laplanche. Faite de grandes entreprises qui participent à son financement, d’organisateurs d’événements, de professionnels du tourisme, de collectivités locales ou encore d’associations. Tout un monde est donc ouvert à ceux qui n’ont pas encore la chance d’être l’agent de Kylian Mbappé ! « L’un des objectifs du Mastère spécialisé est de nous montrer l’étendue des opportunités professionnelles s’offrant à nous. Chaque semaine qui passe nous donne de nouvelles idées », se réjouit Clara.
Si certains de ses camarades de promotion effectuent bien leurs stages et alternances dans des structures sportives classiques (clubs, fédérations, etc.), d’autres le font en journalisme, banque, assurance, communication, ou même, pour l’une d’entre elles, chez Aéroports de Paris. « Quel que soit le secteur, nous avons en commun d’être des passionnés, nous comprenons l’écosystème complexe du sport et déployons toute notre énergie pour que des projets voient le jour », considère l’étudiante.
Profils hôteliers, les rois du client
Autre exemple de ces « spécialités sans frontières », l’hôtellerie-restauration. Un domaine d’études très spécialisé, donc. Voire trop, pour certains élèves qui craignent de se trouver enfermés si, plus tard, ils souhaitent donner une autre orientation à leur carrière. Ils ignorent sans doute qu’en dehors des hôtels, nombre d’entreprises s’intéressent à ces profils. En particulier, celles qui doivent proposer une expérience haut de gamme à leurs clients : banques privées, compagnies aériennes, centres commerciaux et, surtout, maisons de luxe. Toutes cherchent dans ces profils ce mélange de savoir-être, d’attention aux détails et de souci du client qui distinguent les professionnels de l’hospitalité.
Ce n’est donc pas un hasard si tant de formations en hôtellerie- restauration ont fait évoluer leur nom, pour afficher un positionnement plus large. C’est le cas des écoles Vatel (qui apparaissent comme Vatel Hotel and Tourism Business School), de l’Institut Paul Bocuse (désormais Institut Lyfe, pour Lyon for Excellence) ou encore de l’École hôtelière de Lausanne (EHL Hospitality Business School). Traduction : ici, vous apprendrez l’hôtellerie, mais aussi tous les fondamentaux du business.
Leurs diplômés se retrouvent, de fait, dans tous les domaines. « L’un de mes amis de l’Institut Lyfe est devenu consultant. Un autre fait du commerce international : il achète des choses à un endroit, puis les revend à un autre », sourit Édouard Eyglunent, ancien diplômé de l’Institut Lyfe. Lui qui rêvait de diriger un hôtel, a eu une idée différente et lancé Wecandoo. Sur cette plate-forme, les particuliers peuvent réserver des activités chez des artisans d’une région telles que forger un couteau, faire du fromage, rénover des meubles, fabriquer une ceinture en cuir, etc. « L’objectif est d’amener les clients à pousser la porte d’un artisan, mettre la main à la pâte, découvrir son savoir faire et ses techniques, puis repartir avec sa création. » Le tout pour un tarif allant de 30 à 200 euros selon les activités, que beaucoup offrent comme cadeaux à leurs proches.
Pour Édouard, les liens avec l’hôtellerie-restauration sont nombreux. « Je n’ai pas l’impression d’avoir changé de métier », assure ce chef d’entreprise qui travaille partout en France, en Angleterre, en Belgique et aux Pays-Bas. « Que cela se traduise par des services hôteliers, gastronomiques ou par des découvertes, nous sommes là pour créer des expériences et du contact humain », soutient le fondateur de Wecandoo qui se tient prêt pour l’un des grands pics de son année, Noël.