La Russie a déclaré que des trains transportant les corps de soldats ukrainiens allaient bientôt se diriger vers la frontière ukrainienne, intensifiant les tensions entre les deux pays sur fond d’échec d’un échange de prisonniers et de dépouilles précédemment convenu.
Selon des sources russes, le transfert de plus de 6 000 corps avait été approuvé dans le cadre des négociations de paix organisées cette semaine à Istanbul, avec la médiation de la Turquie et le soutien diplomatique des États-Unis. D’après le ministère russe de la Défense, les corps ont été transférés vers une zone d’attente près de la localité de Novaya Guta, en Biélorussie, conditionnés dans des conteneurs hermétiques et transportés par 150 camions frigorifiques.
Cependant, à la dernière minute, la partie ukrainienne a refusé de participer à l’opération. Aucun représentant ukrainien ne s’est présenté sur le site prévu pour l’échange, et le convoi a été bloqué par les forces de sécurité ukrainiennes. Moscou a interprété cela comme une violation des accords précédents.
À Kiev, ces accusations ont été rejetées. Le chef du renseignement militaire ukrainien a déclaré que l’Ukraine respecte pleinement les engagements pris à Istanbul, précisant que le début des opérations de rapatriement était officiellement prévu pour la semaine suivante et que la partie russe en avait été informée à temps. « Tout se déroule comme prévu », a-t-il ajouté.
Une tentative d’échange de prisonniers de guerre et de corps samedi s’est soldée par un échec. La Russie a accusé l’Ukraine d’un retrait de dernière minute, tandis que les responsables ukrainiens ont dénoncé une « campagne de désinformation cynique » et une tentative d’instrumentalisation de questions humanitaires à des fins de propagande.
Par le passé, les échanges de prisonniers et de corps restaient une forme de coopération ponctuelle mais régulière entre les deux parties en guerre depuis trois ans. La question de l’échange humanitaire était d’ailleurs le seul résultat concret issu du second round de négociations à Istanbul.
Des images diffusées par le ministère russe de la Défense montrent des agents en combinaison de protection ouvrant les portes de camions contenant des dizaines de sacs hermétiques blancs. Selon la partie russe, les corps étaient prêts à être remis conformément aux normes humanitaires internationales. Une liste de 640 prisonniers ukrainiens a également été transmise — des jeunes soldats, des blessés graves et des malades.
D’après des sources proches de la présidence ukrainienne, l’une des raisons du refus pourrait être l’absence de ressources budgétaires pour indemniser les familles des soldats tombés au combat. Cette difficulté financière pourrait également expliquer la réticence de Kiev à reconnaître officiellement l’ampleur des pertes.
Coup porté aux médiateurs
La suspension du rapatriement des corps et l’échec de l’échange de prisonniers ne constituent pas seulement un nouvel épisode dans l’affrontement politico-médiatique entre Moscou et Kiev : c’est également un coup dur porté à l’image des États qui ont joué un rôle de médiateur dans le processus de paix.
La Turquie, en particulier, avait accueilli les négociations et participé activement à la définition des modalités techniques des accords humanitaires, incluant la logistique, le format de transfert et la supervision par des organisations internationales. Depuis plusieurs mois, la diplomatie turque cherche à relancer un dialogue direct entre les belligérants, en s’affichant comme un pont neutre entre les deux camps. L’échec d’une opération humanitaire aussi symbolique érode sérieusement la confiance dans la capacité d’Ankara à influer efficacement sur le conflit.
La situation est tout aussi inconfortable pour les États-Unis, qui ont apporté leur soutien politique aux pourparlers, espérant une forme de désescalade, tant sur le plan intérieur en Ukraine que vis-à-vis des critiques internationales face à une guerre prolongée.
Des sources diplomatiques européennes rapportent que Washington a exercé des pressions sur Kiev afin de montrer une volonté de dialogue humanitaire. Mais le refus de procéder au rapatriement, surtout s’il s’avère motivé par des raisons financières, est perçu sur la scène internationale comme un net recul.
En coulisses, la question se pose désormais : si même un geste limité comme le transfert de corps est devenu impossible, sur quoi peut-on encore fonder l’espoir d’un accord plus large ? Les dommages en termes d’image affectent à la fois les médiateurs et les parties au conflit, mais ce sont surtout les efforts des tiers qui paraissent aujourd’hui les plus affaiblis.
Certains analystes estiment que cet épisode pourrait inciter les pays occidentaux à accentuer leur pression sur l’Ukraine pour qu’elle honore au moins ses engagements humanitaires. Quant à la Turquie, sa motivation à poursuivre activement son rôle de médiateur pourrait en être sérieusement réduite sans garanties minimales de résultats.