Au moins deux séquences d’archives partagées sur le réseau social TikTok montrant des femmes victimes de sexisme sur des plateaux de télévision français ont suscité l’indignation des utilisateurs.
Albina du Boisrouvray, ex-productrice de cinéma dans les années 1970 et 80, partage ses souvenirs sur le réseau social à ses plus de 140 000 followers. Elle témoigne notamment de son combat pour se faire une place dans le milieu du cinéma, dont la misogynie est de plus en plus dénoncée depuis le mouvement #MeToo.
« Elle se sert de son charme dans les affaires »
Ce mardi, l’octogénaire a exhumé une archive vidéo où on la voit être interviewée sur son métier aux côtés du scénariste Jean-Claude Carrière. « Voilà ce que j’ai dû subir dans les années 1970 en étant une femme productrice de cinéma », écrit-elle.
« Albina du Boisrouvray, (…) vous êtes jeune, vous auriez pu être une actrice et si on vous voyait sur la Croisette on s’étonnerait que vous soyez… » débute le journaliste. « Productrice ? » lui répond l’intéressée. « Productrice, oui », termine l’animateur.
Ce dernier demande ensuite à son autre invité s’il pourrait travailler avec la productrice. Jean-Claude Carrière répond par la négative, en avançant qu’elle « ne fume pas le cigare ». Et d’ajouter : « On a plutôt envie de l’amener danser. (…) J’ai l’impression qu’elle se sert un peu de son charme dans les affaires non ? » questionne l’invité.
En commentaire, les internautes sont affligés : « Ils parlent comme si elle n’était pas là », s’indigne l’un d’eux. « C’est beau d’en parler, les gens aiment trop romantiser ces années-là sans se rendre compte de ce que les femmes subissaient dans le plus grand des calmes », peut-on aussi lire.
« J’ai tenu à publier cette archive vidéo car elle rend sensible le sexisme d’une époque qui tolérait les dispositifs médiatiques misogynes. En tant que femme, à la télévision ou en radio, nous étions systématiquement enfermées dans des dispositifs piégés : soit nous encaissions les remarques en faisant bonne figure et en répondant sans faire d’esclandre comme j’ai essayé de le faire, soit on se révoltait en direct au risque d’être considérée comme hystérique ou folle », confie au Parisien Albina du Boisrouvray, qui partage de nombreuses anecdotes sur sa carrière de productrice dans son livre autobiographique « Le Courage de vivre » (2022).
« Tu découvres ce que ta mère a enduré »
Carla Ghebali, candidate de téléréalité et fille de la productrice d’émissions de télévision Daniela Lumbroso, a quant à elle publié une vidéo TikTok intitulée « Tu découvres ce que ta mère a enduré en travaillant dans la télé » où elle se filme en train de visionner l’une des interviews de sa mère.
Alors qu’elle est invitée dans une émission aux côtés de Serge Gainsbourg, Daniela Lumbroso se voit couper la parole par l’artiste : « Ta gu*ule ! » lui lance-t-il, avant de lui toucher la cuisse, puis le sein.
Pendant toute la scène, la productrice garde son calme. « Outrageant », écrit en légende de sa publication Carla Ghebali. « J’ai trouvé ça fou que ça ait pu être comme ça un jour », a-t-elle commenté, contactée par Le Parisien.
En commentaire, les utilisateurs du réseau social abondent dans son sens : « Le coup des seins, je suis choquée ! Je lui aurais mis une baffe ! Le pire c’est qu’à cette époque ça passait car c’était Gainsbourg », se désole une internaute. « La pauvre, trop courageuse », « Personne n’intervient », peut-on aussi lire.
« Ne vous laissez pas faire »
Que ce soit sous la vidéo d’Albina du Boisrouvray ou celle de Carla Ghebali, la majorité des internautes condamnent ces comportements sexistes, preuve que la société a évolué sur le sujet : « C’est vrai qu’en 50 ans, il y a eu des progrès considérables, les réactions scandalisées des personnes qui me suivent sur les réseaux sociaux le prouvent. Mais je sais que subsistent encore dans la société des formes de disqualification des femmes qui consistent à les réduire à des objets et à les traiter de manière condescendante. Alors je dis aux jeunes filles et aux femmes : ne vous laissez pas faire », conclut Albina du Boisrouvray.
La commission d’enquête sur les violences dans le cinéma et la protection de l’enfance est un exemple significatif de ces progrès : abandonnés après la dissolution de l’Assemblée nationale, les deux groupes de travail parlementaires vont être relancés à partir du 9 octobre. L’actrice et réalisatrice Judith Godrèche en avait demandé la création lors d’une audition devant les députés. Cette dernière a porté plainte en février contre le réalisateur Benoît Jacquot pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans ».