Lassés d’attendre, les chefs d’entreprise espèrent la nomination d’un Premier ministre sans « trop tarder ». La sixième Rencontre des entrepreneurs de France (REF) organisée par le Medef se tient lundi et mardi, sous le signe cette année d’une certaine impatience du patronat à voir se constituer enfin un nouveau gouvernement. Il est « inquiet » face au « flou politique », a insisté lundi matin sur France Inter son président Patrick Martin, appelant Emmanuel Macron à trouver « un bon programme et la bonne personne pour le mettre en œuvre ».
À l’hippodrome de ParisLongchamp, les habituelles tables rondes de haut vol – accessibles via le site et les réseaux sociaux du Medef – s’organiseront cette année autour du « Pouvoir », le Medef faisant le constat que « jamais dans l’histoire de l’humanité, il n’y aura eu autant d’élections majeures organisées la même année », en Inde, dans l’UE, au Venezuela ou aux États-Unis, « avec pour conséquence des bouleversements immédiats et à venir ».
Cette fois cependant, manquera à l’appel le pouvoir exécutif, alors que les consultations entre Emmanuel Macron et les partis se poursuivent pour déterminer enfin le nom d’un ou d’une Première ministre après les législatives anticipées de juillet. Seul le ministre de l’Économie démissionnaire Bruno Le Maire sera présent, mais ne prendra pas la parole, a indiqué sur France Inter Patrick Martin.
Un trimestre de croissance perdu depuis la dissolution
Là où l’ancienne Première ministre Élisabeth Borne était l’invitée d’honneur de la séance d’ouverture l’an dernier, ce sont cette année les présidents du Parlement, Yaël Braun-Pivet pour l’Assemblée nationale et Gérard Larcher pour le Sénat, qui s’exprimeront lundi après-midi devant les patrons, après le discours d’ouverture du président du Medef. L’organisation patronale « a décidé de lancer un front économique, associant des chefs d’entreprise, des économistes et des think-tanks pour peser dans le débat et éviter que nos décideurs ne s’égarent », a déclaré dimanche Patrick Martin au Figaro.
Il a de nouveau fustigé une « offre politique très illisible » lundi matin sur France Inter. Bien que selon l’Insee, le climat des affaires a rebondi en août, il a souligné qu’un trimestre de croissance avait été perdu depuis la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin, constatant que des « décisions d’investissements et d’embauche » étaient « à l’arrêt » depuis. Et déploré une situation économique « molle » actuellement, malgré un bilan des Jeux olympiques de Paris par ailleurs « très positif ».
« L’économie n’aime pas l’indécision, encore moins les menaces », a-t-il encore insisté, appelant Emmanuel Macron à ne pas « rendre fébriles » des chefs d’entreprise déjà « inquiets », « avec un flou politique qui dure trop longtemps, et surtout une offre et des décisions politiques inappropriées au regard de nos intérêts économiques ».
Avec le NFP, « moins d’argent pour embaucher, augmenter les salaires »
Patrick Martin, très critique depuis des semaines du programme économique du NFP, s’en est de nouveau pris à cette feuille de route, estimant qu’elle n’était « pas économiquement supportable ». « S’il y a plus d’impôts, si on charge la barque en annulant la réforme des retraites, en augmentant le Smic à la seule charge des entreprises, immanquablement ça va impacter les décisions des entreprises, il y aura moins d’argent pour embaucher, investir, augmenter les salaires », a-t-il déroulé, disant craindre que cela ne vienne « précipiter » la hausse des dépôts de bilan, qui ont déjà atteint le chiffre record d’environ 5 800 en juillet.
Quant à l’abrogation de la réforme des retraites, également au programme du bloc de gauche, elle déboucherait sur une « augmentation des cotisations, y compris salariales ». « Si on creuse le déficit des retraites de 17 milliards d’euros par an à partir de 2030, à un moment où un autre, au niveau d’endettement où est la France, qui est insupportable, il faudra bien que quelqu’un paie. Ce seront les salariés, les entreprises, et/ou les retraités dont on baissera les retraites », a-t-il anticipé.
Le numéro 1 du Medef a estimé au passage que lors de l’issue des législatives, ce n’était pas « la politique économique » du gouvernement sortant « qui a été sanctionnée ». La veille, il jugeait déjà dans Le Figaro que « si le programme de LFI (membre du NFP) était appliqué, ce serait insupportable pour le pays, au sens propre du terme ».
Au moins autant d’inscrits que l’an passé
Toute cette incertitude n’a cependant pas dissuadé les inscriptions à cette REF, qui grimpent à 10 000, au moins autant que l’an dernier, selon le Medef. Outre des dirigeants de grandes entreprises – Axa, EDF, Engie, Google, L’Oréal, Publicis, Safran, Sanofi France, Schneider Electric, ou CMA CGM, dont le PDG Rodolphe Saadé sera invité mardi d’une « conversation » d’une demi-heure – artistes ou membres de la société civile, et, quand même, quelques politiques, participeront aux différentes tables rondes.
L’ancien ministre et maire de Meaux Jean-François Copé et la députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau seront ainsi réunis pour évoquer « le pouvoir à parité », le secrétaire national du PCF Fabien Roussel participera au débat « Consommateur-producteur, qui a le pouvoir ? », la députée européenne Valérie Hayer, tête de liste de l’ex-majorité présidentielle aux élections européennes et présidente du groupe Renew Europe, s’exprimera sur « Où va l’économie européenne ? ».
La REF s’achèvera par un point sur le manifeste sur « le pouvoir de l’engagement » des chefs d’entreprise envers « une croissance responsable bénéfique à toutes et tous », déjà signé par une cinquantaine de patrons.