July 20, 2025
Politics

Drapeaux en berne après la mort du pape : principe de « laïcité » ou hommage diplomatique ? 5 minutes pour comprendre la polémique


La polémique est lancée. Au lendemain de l’annonce de Matignon, qui a confirmé ce mardi une mise en berne des drapeaux sur les bâtiments publics nationaux le samedi 26 avril, jour des funérailles du pape François, pour rendre hommage au souverain pontife, la classe politique française réagit déjà. Certaines personnalités, notamment de gauche, s’opposent à cette décision au nom de la laïcité. On fait le point.

Quelle est la décision de l’État français ?

C’est en fin d’après-midi, ce mardi 22 avril, que les services du Premier ministre ont dévoilé leur décision. « À la suite du décès du pape François, le gouvernement a décidé que les drapeaux devront être mis en berne sur les bâtiments publics le jour de ses obsèques solennelles », a-t-on pu lire dans un court communiqué. Cette procédure, courante dans de nombreux pays dont la France, dans un contexte de commémoration, est utilisée pour rendre un honneur et exprimer un sentiment collectif de tristesse en cas d’événement tragique, ou comme ici, du décès d’une personnalité importante.

L’exécutif a donc voulu esquisser un geste fort pour saluer la mémoire du pape François. Dans plusieurs autres pays, l’hommage est encore plus poussé. En Argentine, pays de naissance de Jorge Bergoglio, le nom du souverain pontife, une période d’une semaine de deuil national a été décrétée. Certains voisins européens, comme l’Italie (cinq jours), l’Espagne et le Portugal (trois jours), vont également se recueillir plusieurs jours pour rendre hommage au pape.

Pourquoi la gauche dénonce-t-elle cet hommage ?

Rapidement, différentes personnalités de gauche, issues de divers groupes politiques, ont condamné le choix du gouvernement. À commencer par Alexis Corbière. L’ex-membre de La France insoumise (LFI), aujourd’hui député Seine-Saint-Denis du groupe « l’Après », a exprimé son « total désaccord » mardi soir sur franceinfo. « La laïcité a des principes. Il est normal que le chef de l’État ait rendu hommage au pape. Mais nous n’avons pas à marquer une forme de laïcité à géométrie variable, c’est-à-dire que quand une autorité religieuse meurt, on met des drapeaux en berne, mais on ne le fait pas pour d’autres cultes », a expliqué l’ancien proche de Jean-Luc Mélenchon.

« Nous avons à être neutre vis-à-vis du culte », considère l’élu francilien, également opposé à la présence d’Emmanuel Macron lors des obsèques samedi à Rome. Un avis partagé par le député LFI de Loire-Atlantique, Matthias Travel. Sur le réseau social X (ex-Twitter), ce dernier a tancé : « Quoi qu’on pense du pape François, la République n’a pas à rendre hommage au chef de l’Église catholique. L’État chez lui, l’Église chez elle. » Même son de cloche du côté du groupe communiste, à l’image de la sortie du sénateur des Hauts-de-Seine Pierre Ouzoulias, qui parle même d’une décision « honteuse pour notre République laïque ».

Est-ce une nouveauté ?

Ce n’est pas la première fois que l’exécutif français décide d’abaisser les drapeaux pour rendre hommage à un souverain pontife décédé. En réalité, il s’agit même d’une tradition, puisque quatre des six derniers papes (Pie XII, Jean XXIII, Jean-Paul Ier et Jean-Paul II) ont été honorés de cette façon en France. Mais en 2005, la décision, prise à l’époque par Jacques Chirac, avait déjà créé une polémique et des débats autour du caractère laïque de la société française.

François Bayrou, aujourd’hui chef du gouvernement d’Emmanuel Macron, s’était alors ému de la mise en berne des drapeaux après la disparition de Jean-Paul II. « Je n’aurais certainement pas pris une telle décision », avait déclaré au Monde celui qui était alors président du parti de centre droit UDF, fustigeant le choix du Premier ministre de l’époque Jean-Pierre Raffarin. Pour lui, cet hommage « ne correspond (ait) pas à la distinction qu’il faut faire entre convictions spirituelles et choix politiques et nationaux ».

S’il n’a pas encore pris la parole au sujet du décès du pape François, Matignon a d’ores et déjà annoncé que François Bayrou ne se rendrait pas à Rome, aux côtés du président Macron, pour assister aux funérailles du Saint-Père, ce samedi.

Quelle est la réponse du gouvernement ?

Face à la polémique naissante, l’exécutif a rapidement réagi par l’intermédiaire de sa porte-parole, Sophie Primas. « Nous ne manifestons pas une préférence pour un culte, s’est-elle défendue sur TF 1. Le pape avait une place dans la politique et la diplomatie internationale qui n’était pas neutre ». Rappelant que le pape François était « un chef d’État », la porte-parole a donc insisté sur le caractère diplomatique de la papauté pour justifier l’hommage national.

En effet, la France a déjà mis à plusieurs reprises ses drapeaux en berne après la disparition d’importants dirigeants internationaux, comme Joseph Staline en 1953, Francisco Franco en 1975, Ronald Reagan en 2004, ou Nelson Mandela en 2013.

Un argument appuyé par Bruno Retailleau, ministère de l’Intérieur en charge des cultes en France, qui se rendra aux obsèques du souverain pontife samedi aux côtés de son collègue des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot. « L’émotion est mondiale, c’est une figure universelle. Nous avons bien mis les drapeaux en berne pour la reine d’Angleterre », a cité le locataire de la place Beauvau, en référence au décès d’Élisabeth II, en septembre 2022.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *