Le ton monte contre Alger. Le président français Emmanuel Macron a estimé lundi devant les ambassadeurs français, réunis à l’Élysée, que l’Algérie se « déshonore » en ne libérant pas l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, arrêté à la mi-novembre dans la capitale algérienne pour atteinte à la sûreté de l’État. Il a demandé « instamment » sa libération.
Tandis que le chef d’État défendait la lutte pour « les valeurs des démocraties » à la fin de son discours, lors de la réunion annuelle des ambassadeurs de France au cours de laquelle il a passé en revue de nombreux sujets internationaux, il a adressé une « pensée singulière » à un « combattant de la liberté » en particulier, l’écrivain détenu « de manière totalement arbitraire par les responsables algériens », selon lui.
« Pas à la hauteur de ce qu’elle est »
Critique du pouvoir algérien, Boualem Sansal, 75 ans, né d’un père d’origine marocaine et d’une mère algérienne, est incarcéré depuis la mi-novembre pour atteinte à la sûreté de l’État et se trouve dans une unité de soins depuis la mi-décembre. « L’Algérie que nous aimons tant et avec laquelle nous partageons tant d’enfants et tant d’histoires entre dans une histoire qui la déshonore, à empêcher un homme gravement malade de se soigner. Ce n’est pas à la hauteur de ce qu’elle est », a cinglé Emmanuel Macron.
« Et nous qui aimons le peuple algérien et son histoire, je demande instamment à son gouvernement de libérer Boualem Sansal », a-t-il ajouté. « La liberté c’est la démocratie, nous devons continuer de les défendre partout, avec respect (…) et avec force », a plus largement défendu le président, reprenant le fil de son discours aux ambassadeurs.
La veille, le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot s’était lui aussi dit « très préoccupé par le fait que la demande de libération adressée par Boualem Sansal et ses avocats a été rejetée », pour des raisons « pas valables » pour Paris. Invité sur RTL, Le Figaro, M 6 et Public Sénat, il a émis des « doutes » sur la volonté d’Alger de respecter la feuille de route des relations bilatérales franco-algériennes, adoptée en 2022. « Nous souhaitons entretenir les meilleures relations avec l’Algérie (…) mais ce n’est pas le cas aujourd’hui », a regretté le chef de la diplomatie française.
L’auteur de « 2084 : la fin du monde », naturalisé français en 2024, est poursuivi en vertu de l’article 87 bis du Code pénal, qui sanctionne « comme acte terroriste ou subversif, tout acte visant la sûreté de l’État, l’intégrité du territoire, la stabilité et le fonctionnement normal des institutions ».
Le président algérien, Abdelmadjid Tebboune, avait évoqué pour la première fois dimanche dernier l’arrestation de l’écrivain à la mi-novembre à Alger, le qualifiant d’« imposteur » envoyé par la France. Cette escalade s’inscrit dans un contexte plus large de tensions entre les deux pays, Alger ayant retiré son ambassadeur à Paris fin juillet quand le président français Emmanuel Macron a apporté un soutien appuyé aux propositions marocaines concernant le Sahara occidental, un dossier au cœur de crispations entre l’Algérie et le Maroc, avant de se rendre à Rabat fin octobre.