Plutôt que des mesures parcellaires et disséminées, 53 associations féministes regroupées dans une coalition, ont lancé, ce jeudi 21 novembre à Paris, un appel pour une loi intégrale contre les violences sexuelles. À deux jours de la grande manifestation contre les violences faites aux femmes, prévue dans la capitale et ailleurs en France, après la déflagration du procès des viols de Mazan et les accusations de violences sexuelles par 24 femmes contre l’abbé Pierre, 139 mesures ont été présentées, ce 21 novembre à la Cité audacieuse, pour « une politique publique globale et ambitieuse, impliquant l’ensemble des ministères concernés (Égalité, Justice, Intérieur, Solidarités, Travail, Éducation, Santé…) ».
En plus des affaires médiatisées, les associations (dont la Fondation des femmes, MeToo Media, Osez le féminisme ou encore Ensemble contre le sexisme) mettent en avant deux pourcentages : les faits enregistrés pour violences sexuelles ont explosé (+ 282 % entre 2017 et 2023), et le nombre de condamnations reste extrêmement faible. Ainsi, 94 % des affaires de viol ont été classées sans suite en 2021.
2,6 milliards d’euros d’investissements demandés
La première des mesures réclamées vise le nerf de la guerre : l’argent. Les associations demandent un investissement annuel de 2,6 milliards d’euros pour lutter contre les violences faites aux femmes, dont 344 millions spécifiquement contre les violences sexuelles. Un « minimum », selon les associations, « pour une réelle prise en charge et l’accompagnement des victimes, améliorer les enquêtes et renforcer la chaîne judiciaire ».
Dans cette longue liste, on retrouve aussi l’effectivité des trois séances annuelles d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) dans toutes les classes, la mise en place de l’interdiction d’accès aux mineurs des sites pornographiques ou encore l’amélioration du suivi des auteurs de violences pour prévenir la récidive.
Mais sur quoi les femmes, dont certaines manifesteront samedi, mettent-elles l’accent ? Molka, étudiante à Paris, milite pour un changement d’optique dans la loi.
« Aujourd’hui, c’est à la plaignante de prouver qu’elle est bel et bien victime. Cela devrait être le contraire ! Moi, je suis pour la présomption de véracité dans les affaires de viols ou d’agressions sexuelles. Il y en a assez de voir toutes ces femmes traînées dans la boue, lorsqu’elles ont le courage de porter plainte », s’insurge la jeune femme de 22 ans, qui a déjà préparé ses habits violets, couleur de la marche de samedi. D’un point de vue national comme international, c’est une année particulièrement dégueulasse pour les droits des femmes. Je ne vois pas ce qu’il faudrait de plus pour se rendre compte de l’urgence de la situation », analyse-t-elle.
Une pétition en ligne signée par 82 500 personnes
Non loin de là, Marie-France, 75 ans, sourit à la perspective d’aller manifester. « Je n’ai plus les jambes pour ça mais, si je les avais, je serais allée apporter mon soutien à Gisèle Pelicot. Comme elle, j’ai trois enfants et quasiment le même âge, ce qui lui est arrivé est au-delà de l’ignominie. On se dit qu’avec l’âge, on échappe aux violences sexuelles, mais c’est faux », grimace-t-elle soudain.
La septuagénaire, elle, insiste sur la formation des médecins pour changer les choses. « Comment un docteur peut passer à côté d’une patiente, droguée pendant dix ans ? Pourquoi un professionnel de santé ne s’est pas interrogé sur ses infections sexuellement transmissibles et de ses lésions au col de l’utérus ? La santé des femmes n’est vraiment pas prise au sérieux », tranche la retraitée.
« J’aimerais qu’on m’explique pourquoi, lorsqu’une femme porte plainte pour des violences conjugales, c’est à elle de tout quitter, fait mine d’interroger Bérénice, 33 ans. Quelle femme voudrait emmener ses enfants dans un hébergement d’urgence ? Aucune ! Cette mesure temporaire devrait s’appliquer à celui qui est soupçonné des faits. Sinon, c’est la double peine pour les victimes, et beaucoup serrent les dents pour ne pas vivre dans une telle précarité », affirme cette administratrice de base de données, qui s’interroge encore sur sa présence à la manifestation de samedi.
Pour cette loi intégrale, une pétition est en cours sur le site loi-integrale.fr. Elle a déjà été signée par 82 500 personnes.