Une journaliste chinoise qui avait tenté de lancer dans son pays le mouvement #MeToo a été condamnée ce vendredi à cinq ans de prison pour « incitation à la subversion de l’État », a annoncé le collectif qui la soutient. Sophia Huang Xueqin était poursuivie à Canton (sud) en même temps que le militant syndical Wang Jianbing, qui a lui écopé de trois ans et six mois de prison pour le même motif, selon le collectif.
Sophia Huang Xueqin avait décrit sur les réseaux sociaux son expérience de harcèlement sexuel quand elle était jeune journaliste dans une agence de presse chinoise, à la suite du mouvement #MeToo. Huang, qui a couvert les allégations chinoises #MeToo et les manifestations antigouvernementales d’Hongkong en 2019, avait été détenue par la police chinoise pendant trois mois fin 2019. La veille de son arrestation, le 19 septembre 2021, elle devait s’envoler pour la Grande-Bretagne pour commencer une maîtrise à l’Université du Sussex grâce à une bourse financée par le gouvernement britannique. Samedi marquera le 1000e jour de sa détention, ainsi que celle de Wang.
Une censure très réactive
Lors de leur procès à huis clos en septembre dernier, les deux activistes ont nié tout acte répréhensible. Les accusations de sédition portées contre Huang et Wang étaient basées sur les rassemblements qu’ils organisaient souvent pour la jeunesse chinoise au cours desquels ils discutaient de questions de société.
L’audience au tribunal populaire intermédiaire de Guangzhou était destinée à déterminer leur condamnation et fixer leurs peines. Des représentants consulaires des États-Unis, du Danemark, de France, d’Allemagne, de Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni se sont vu refuser l’entrée, ont indiqué deux diplomates, refusant d’être identifiés car ils n’étaient pas autorisés à parler aux médias. Un important dispositif policier avait été mis en place autour du tribunal, les forces de l’ordre interrogeant même les passants sur la raison de leur venue ou de leur passage aux abords du bâtiment.
La journaliste a annoncé son intention de faire appel, le militant ne s’est pas encore prononcé, a précisé le collectif, qui a publié des extraits du jugement sur le réseau social X. Dans un communiqué, l’organisation de défense des droits Amnesty International a dénoncé des « condamnations malveillantes et totalement infondées » qui auront « un effet dissuasif supplémentaire sur les droits de l’homme et la défense sociale, dans un pays où les militants sont confrontés à une répression croissante de la part de l’État ». Plus tôt dans la journée, le Comité de protection des journalistes (CPJ) avait demandé « la libération inconditionnelle et immédiate de Sophia Huang Xueqin et l’abandon des charges contre elle ».
Interrogé sur cette affaire, Lin Jian, porte-parole du ministère des Affaires étrangères, a répondu en assurant que « la Chine est un pays où règne l’État de droit, qui garantit les droits légitimes de chaque citoyen conformément à la loi ». « Toute personne qui enfreint la loi se verra infliger une sanction légale », a-t-il prévenu.
Une censure très réactive sur Internet et les nombreux obstacles légaux auxquels se heurtent les plaignantes ont considérablement freiné le mouvement #MeToo en Chine, qui demeure un pays profondément patriarcal. Un cas emblématique avait été celui de Peng Shuai, ancienne n° 1 mondiale de tennis en double et star dans son pays, qui avait affirmé en novembre 2021 avoir eu un rapport sexuel forcé et une relation extraconjugale avec un puissant ex-responsable du Parti communiste. Son message avait été rapidement censuré sur l’internet chinois et l’athlète avait été placée en retrait de la société après une disparition forcée de plus de deux semaines.