C’est le casse-tête de l’été : comment présenter un budget crédible, tout en sachant qu’il sera peut-être amendé, voire carrément balayé, dans les prochaines semaines par le gouvernement qui devrait être nommé d’ici peu ?
Pour résoudre cette quadrature du cercle, les services du Premier ministre ont opté pour une version résolument… minimaliste du projet de budget 2025. Alors que les lettres plafonds — qui définissent les limites de dépenses accordées à chaque ministère — devaient partir, avec trois semaines de retard, ce mardi 20 août dans l’après-midi, Matignon a bien tenu à préciser qu’elles doivent permettre aux administrations de poursuivre leur travail : « Le nouveau gouvernement pourra faire les ajustements qu’il estime nécessaires », afin de coller à « ses priorités ».
Très souple jusqu’au dernier moment, donc, ce projet de budget joliment qualifié de « réversible » doit être présenté au Parlement au plus tard le mardi 1er octobre prochain.
« Ce n’est pas un carcan »
Matignon insiste : il ne s’agit que qu’un document de travail. « Ce n’est pas un carcan, les lettres ne sont pas gravées dans le marbre ». « C’est une copie blanche, le prochain gouvernement y mettra sa couleur. Le gouvernement range la chambre avant de partir », illustre le député Ensemble pour la République Mathieu Lefèvre.
Seule certitude, pour l’heure : dans un souci affiché de neutralité — de « responsabilité », précise Matignon « pour retrouver la voie du rétablissement des finances publiques » —, le budget présenté se veut « zéro valeur ». En clair ? Il n’augmente pas. Le montant des crédits alloués, soit 492 milliards d’euros, est le même qu’en 2024.
« Bruno Le Maire (ministre de l’Economie du gouvernement démissionnaire) voulait qu’il y ait un objet budgétaire sur la table pour que le prochain gouvernement puisse commencer à travailler », commente un conseiller ministériel. Tout en soulignant : « Bercy voulait 5 milliards d’économies. Matignon a opté pour le zéro valeur ».
Des coupes du côté du Travail
Sachant que le gouvernement table sur une inflation annuelle de 2 %, ce choix financier nécessite tout de même de trouver une « dizaine de milliards d’euros » d’économies par rapport à l’an passé. À côté des ministères dont les dépenses resteront en hausse ou stables — comme les Sports ou la Culture —, cela signifie que d’autres connaîtront une période de vaches maigres.
Sans vouloir en dire trop sur la question, toujours au motif que « ce sera au nouveau gouvernement de choisir ses priorités budgétaires », Matignon prévoit que le budget du ministère du Travail sera affecté — le dispositif de l’apprentissage notamment, comme déjà indiqué, devrait être réformé pour être « plus économe ».
Question soigneusement éludée par les services du Premier ministre : la France peut-elle se contenter de ce budget zéro valeur, au vu de la procédure pour déficit excessif enclenchée fin juillet par la Commission européenne ? Tout juste Matignon consentait-il, ce mardi, à reconnaître que sa décision budgétaire n’avait pas encore été « notifiée formellement » à Bruxelles…
« Tant qu’on est dans ces eaux-là… »
Ce n’est pas là le seul écueil qui inquiète les experts : au vu de l’instabilité politique née de la dissolution voulue par Emmanuel Macron ; au vu, aussi, de la perspective d’une Assemblée ingouvernable, le « PLF » (projet de loi de finances) 2025 pourrait ne pas être voté comme il se doit avant la fin de l’année.
D’ici là, le texte doit déjà être finalisé. « J’ai prévu une réunion de la commission des Finances le 11 septembre avec le nouveau ministre nommé pour entamer la discussion sur le budget », précise Éric Coquerel, député Insoumis réélu en juillet à la tête de la Commission des finances de l’Assemblée. « Il était prévu qu’il soit présenté le dernier mercredi de septembre en Conseil des ministres. Tant qu’on est dans ces eaux-là… »
Mais, même si Emmanuel Macron nommait la ou le futur occupant de Matignon dans la foulée de sa rencontre — vendredi et lundi — avec les chefs de parti, il resterait encore à déterminer la composition du gouvernement, avant de s’atteler enfin au budget.
Un conseiller ministériel rappelle que « le PLF doit être remis au Haut Conseil des finances publiques deux semaines avant » sa présentation en Conseil des ministres. Autant dire que les délais sont très serrés.