December 23, 2024
Life Style

Euro de foot et JO de Paris : la crainte d’une hausse des violences conjugales


Certaines femmes attendent la finale dimanche de l’Euro de football la boule au ventre. Pas par passion du sport, mais par crainte que les violences conjugales redoublent. Preuve que cette inquiétude est partagée : le 3919, numéro national de référence pour l’écoute et l’orientation, a décidé de conserver pendant l’Euro et les Jeux olympiques le même nombre d’écoutantes professionnelles pour éviter l’isolement des victimes au cœur de cet été particulier. Car pour les professionnels du secteur : événements sportifs riment trop souvent avec danger démultiplié.

« Nous aurions besoin de chiffres sur le territoire pour donner une réalité concrète à ce ressenti, explique-t-on du côté de la Fédération nationale Solidarité Femmes, association qui gère le 3919. Seule une étude anglaise, qui remonte à une dizaine d’années, a fait le rapprochement entre la hausse des violences conjugales et la tenue de matchs de football. Or, lorsqu’on l’évoque, on nous rétorque que l’Angleterre, avec sa culture du hooliganisme, n’est pas la France. C’est pour cela qu’il serait extrêmement utile que des travaux de recherche se penchent sur cette thématique particulière dans notre pays », appelle de ses vœux la structure.

Parus en juin 2014 dans le Journal Of Research In Crime And Delinquency, les travaux réalisés par l’université de Lancaster révèlent que les violences domestiques augmentent de 38 %, après une défaite de l’équipe nationale de football. Paradoxalement, une victoire n’empêche rien puisque les chercheurs observent une hausse de 26 % les soirs de match, lorsque l’équipe anglaise remporte le match ou s’en tire avec un nul. Le Home Office, bureau en charge de la sécurité publique britannique, avait déjà effectué le même constat en 2006.

« Les soirs de match, tout était prétexte pour m’insulter ou me frapper »

« Je peux confirmer que cela ne s’arrête pas aux frontières de l’Angleterre. Je n’ai malheureusement pas besoin d’étude pour le savoir », souffle Rachel. Pendant dix ans, elle a vécu avec un conjoint violent, amateur de football. « Les soirs où son équipe jouait, je savais que cela pouvait partir en vrille. Tout était prétexte pour m’insulter ou me frapper : une décision de l’arbitre qu’il remettait en cause, un but de l’adversaire… Le pire c’était effectivement sa frustration de la défaite. C’était quasi systématique. Elle faisait surgir sa violence de façon éruptive. Je servais de bouc émissaire en cas de débâcle », se rappelle la quadragénaire qui a eu une pensée, mardi soir, pour « ces femmes qui ont subi la défaite de l’équipe de France ».

Cinq ans après sa séparation, son estomac se tord encore à l’annonce de grands rendez-vous footballistiques. « C’est comme si mon corps se préparait à recevoir des coups », résume-t-elle. Les chercheurs de Lancaster, sans nier la responsabilité des agresseurs, désignent ces rencontres sportives comme un terrain fertile pour de tels actes. Pour le démontrer, ils se sont appuyés sur les matchs des coupes du monde de 2002, 2006 et 2010 au cours desquelles l’équipe anglaise s’est inclinée.

« La compétition a lieu en été quand les températures sont plus élevées, la consommation d’alcool est en hausse, et elle provoque plus d’interactions entre les gens. Bien qu’il soit difficile d’affirmer que la compétition est un facteur causal, elle concentre tous les facteurs de risques lors d’une période courte. Elle intensifie ainsi les concepts de masculinité, rivalité et agression », note l’étude qui, en réalité, n’est pas la seule à le dire.

Des zones refuges en marge des JO

En avril, l’antenne péruvienne d’Amnesty International a lancé une campagne de prévention qui attire l’attention sur ce même sujet : l’augmentation des cas de violences sexistes dans le pays, provoquée par les défaites des équipes de football locales. Son slogan, associé à des photos de joueurs abattus par l’échec à l’issue d’une rencontre ? « Quand une équipe perd, les violences fondées sur le genre augmentent de 25 % » Elles augmenteraient même de « 34 % au niveau mondial ».

En France, la ligne renforcée du 3919 vise aussi le public international attendu aux Jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août. L’association met à disposition un service d’interprétariat qui fonctionne déjà depuis un peu moins d’un an.

« L’été, beaucoup de professionnels du médico-social sont en vacances, , observe la Fédération nationale Solidarité Femmes. Le 3919 est parfois la seule option pour les femmes victimes de violences. » À quelques jours du coup d’envoi des JO, la mairie de Paris a également annoncé que des zones refuges, tenues par des associations féministes, seront installées sur les sites des festivités afin d’accueillir les victimes de violences sexistes et sexuelles. L’une de ces « safe places » sera installée sur la Terrasse des Jeux de l’Hôtel de Ville, à partir de dimanche 14 juillet.

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